dimanche 28 octobre 2007

L'incroyable destin d'Harold Crick

un film de Marc Foster, sur un scénario de, il est intéressant de le relever, Zack Helm...

Un auteur qui, pour ce que j'en connais, semble voir son étoile monter à Hollywood. Rappelons qu'il a écrit la pièce " Good Canary " qui se joue en ce moment à Paris dans une mise en scène de John Malkovitch...

Postulat de base, amusant et intriguant, un homme se rend brusquement compte qu'il est le personnage principal d'un roman en entendant la voix off d'une narratrice commenter tout ce qu'il fait...

L'on s'attend comme dans beaucoup de comédies américaines à un début en fanfare suivi d'un écroulement dans les clichés et la mièvrerie. Or non, le film se tient, il suit même jusqu'à la fin un parti pris assez radical.

Et de ce fait, il n'est pas vraiment drôle, l'acteur principal est tout dans la retenue et même dans la tristesse. Visiblement les protagonistes de cette histoire, la romancière comme sa créature, sont dépressifs.

La mise en scène est assez élégante. Décors froids et stylés d'une métropole américaine, solitude et poésie dans une géométrie glacée.

CE N'EST PAS UN FILM COMMERCIAL?!

Zack Helm met en abîme une une intrigue assez convenue, un fonctionnaire du fisc coincé, va par la grâce de l'amour changer et oser vivre sa vie, en la coiffant d'un Dieu auteur et poursuit sa réflexion sur les affres de la création et son coût en livres de chair et de sang.

Qu'est ce qui est plus important la littérature ou la vie? La vie est-elle nécessairement tragique? Vaut-elle tant que cela la peine d'être vécue?

Comme dans "Good Canary"le personnage du créateur est une femme névrosée, qui se détruit (elle fume! Dans un film américain, c'est le blasphème suprême, forcément synonyme de mort à plus ou moins longue échéance...).

L'on devine que l'auteur ne partage pas le point de vue du film qui se termine sur un happy end assez attendu mais néanmoins supportable. En effet, l'option tragique envisagée un moment paraît être celle qui est la plus en phase avec cet univers mortifère.

Saluons au passage, la présence de Dustin Hoffmann, malicieux et drôle qui se fond avec bonheur dans l'étrangeté réjouissante du film. Il joue un professeur de littérature qui est en même temps, on ne sait trop pour quelle raison, maître-nageur.

Notons pour finir que curieusement Zack Helm a une écriture qui semble trop cinématographique pour le théâtre et un peu trop littéraire pour le cinéma commercial...

D'un autre côté, c'est ce qui rend le film intéressant, rendons grâce au réalisateur d'avoir suivi si fidèlement le script, même s'il a du par là hypothéquer pas mal de ses chances au box-office.

samedi 27 octobre 2007

Bunker tapait le premier





Il s'appelait Edward Bunker et il ne jouait pas dans Prison Break. Il est mort en 2005 à l'âge de 71 ans.





















Dieu quelle vie pour un aussi petit bonhomme! De ses onze ans jusqu'à l'âge de quarante, il passera la plus grande partie du temps en maison de redressement et en prison...

Il connaîtra les lieux les plus durs: Saint-Quentin, Marion....Il n'en sortira que pour replonger, tant les opportunités de réhabilitation sont limités, tant les conditions faites aux anciens détenus sont drastiques.

Il tombe pour extorsion de fonds, (contre des trafiquants de drogue, maquereaux), cambriolage...

Sa dernière arrestation est plutôt rocambolesque. Suivi par la brigade des stups qui le croit sur le point de procéder à un deal, il braque une banque sous leurs yeux ébahis. Il repart en prison non sans être d'abord passé sérieusement à tabac.

Ses stations répétées derrière les barreaux auront au moins l'avantage de lui faire découvrir la lecture. Il engloutit des bibiliothéques.

Puis, il se met à écrire... La perséverance étant une de ses qualités (c'est d'ailleurs La qualité cardinale, celle qui fait la différence ), il écrit cinq romans avant enfin d'en voir un publié: Aucune Bête si féroce (son master-piece).

Quand il sortira de prison (à quarante-deux ans!), sa réhabilitation sera facilité par l'adaptation au cinéma de son roman qui donnera Le récidiviste avec Dustin Hoffmann.

Bon film paraît-il, ( je l'ai vu, il y a trop longtemps pour m'en souvenir précisement), il ne connaîtra pourtant qu'un succés mitigé.

Il écrira ensuite le scénario de runaway train de Konchalovski, très mauvais film...

Rappelons pour l'anecdote qu'il fut le Mister blue de Tarentino dans reservoir dogs. Mais surtout, il écrira d'autres livres: La bête au ventre, La bête entre les murs, Les hommes de proie, Mister blue (son autobiographie).

C'est du bon polar, énergique et violent, sans poésie chichiteuse, Bunker comme Giovanni a payé pour voir et il a bien vu... Il a comme matériel le gâchis de la première moitié de sa vie (Mais dans le fond, n'est ce pas le propre de tous les écrivains ?).

Quand on ouvre un bouquin d'Edward bunker on le lâche plus. Ses intrigues tendues, filent un train d'enfer. Des hommes déterminés aux relations codifiées par la loi exotique et radicale du milieu jouent leur survie. L'amitié pour certains, l'appât du gain pour tous, les lient entre eux.

Bunker prends le parti de ses héros. Le crime est une option qui en vaut une autre et ceux qui la choisissent ont droit à son respect.

Ainsi l'on voit le personnage qui tue un flic s'en tirer malgré tout et gagner sa liberté à la fin. Dans tout autre ouvrage cela serait impossible...

Un monde à la Darwin où l'arme absolue est le tic tac permanent de la pensée, ses héros sont souvent des doubles de lui-même, très intelligents, sans cesse sur le fil du rasoir, ils doivent faire preuve d'une ingéniosité extraordinaire pour arriver à survivre.

Curieusement, son plus mauvais livre est son autobiographie, touffue, bavarde, interminable, elle tombe des mains.

Comme si pour rendre l'essence de son existence, il lui fallait passer par la fiction. Le dessin de la métaphore est toujours supérieur à l'explication du long discours...

J'ai pu le croiser quelques minutes alors qu'il donnait une conférence à la FNAC. C'était un petit vieux frêle et sympathique. Quand on lui demandait comment, il avait pu survivre à des univers aussi terribles, il répondait qu'il tapait le premier.

mardi 23 octobre 2007

Le deuxième souffle d'Alain Corneau

d'après un roman José Giovanni.

C'est un film en chapeau avec flingues, costards et bagnoles...
Un film d'hommes et de beaux accessoires... Tourné semble-t-il le plus souvent en studio... Couleurs criardes, sentant bien l'artifice, la stylisation dirait-d'autres...

D'abord l'histoire, elle est superbe, de la belle ouvrage dont les artisans d'aujourd'hui ont perdus le secret. José Giovanni, nourri au lait amer des condammnés à mort savait de quoi il parlait et combien la taule peut démolir. C'est une histoire dorée à l'ancienne, construite comme autrefois, avec plein de beaux personnages et un fil conducteur implacable qui court à travers des rebondissements incessants: des évasions, des réglements de compte, un braquage, des arrestations...

Les dialogues, pleins du patois réel ou reconstitué du Paris truand, sonnent agréablement à l'oreille.

Le film.... deux heures trente-cinq... trop long...On baille par moment, on s'étire...Revenir à la table de montage ne serait pas du luxe.

La scène d'ouverture est très suprenante, très onirique, elle déboule sans prévenir sur le spectateur et l'aspire dans le film. Pas de musique, pas de générique,du silence jusqu'au moment où un corps s'écrase sur le sol avec un bruit sec.

Le personnage principal Gu (Daniel Auteuil)doit, pour s'évader, sauter d'un mur à l'autre en passant au dessus d'un gouffre. Il y arrive mais après un début si prégnant on devine qu'il est désormais en sursis et que toute la suite de son existence sera comme ce saut, suspendue au dessus du vide, sans qu'au bout du compte il ait le même succès.

On pourrait dire que ce film est un rêve, le rêve impossible de liberté de Gus. En fait, il est déjà mort au moment où il s'évade, détruit par la prison, sans argent, dégoûté par ce monde où les principes d'honneur n'ont plus cours.

Tragique, son destin est tragique, le polar est une tragédie en fait, merde alors!

Comme dans tous les films de genre, il y a de la violence, celle-ci se veut stylisée et ça n'est pas toujours réussi. La première scène de meurtre est ridicule, tant les tueurs étroits d'épaules, peu sûrs d'eux, semblants flotter dans leurs impers de figurants payés à la journée, sont peu convaincants. On a le temps de s'en rendre compte, elle dure très longtemps... Corneau aurait peut-être du piocher dans la violence sèche et imprévisible de Scorcese plutot que dans celle alambiquée du cinéma asiatique.

Le film de genre est poétique: de circuler depuis Melville jusqu'aux américains en passant par les asiatiques pour revenir ensuite chez nous, la poésie a perdu beaucoup d'innocence et a fini même par s'évanouir. Melville ne se savait pas poétique, c'est pour cela qu'il l'était.

Que reste-il donc? De grands numéros d'acteur. Encore une fois l'histoire est très belle et tout particulièrement ce moment où l'on colle à Gus une réputation de mouchard, une Némésis dont il ne peut se débarrasser et qui le dépouille de sa seule richesse, de sa raison de vivre: son honneur. Auteuil, plein de fureur et de souffrance, est superbe dans cette montée en puissance de la dernière partie du film.

Cela faisait très longtemps ( depuis Antoine et Sébastien) qu'on n'avait pas vu Dutronc aussi bon. Sa réserve naturelle, son humour retenu, sa gouaille feutrée, sa belle gueule ridée aux yeux verts collent très bien à son personnage de juge de paix impassible. Il a certes un jeu minimaliste mais pour fois, il ne nous sert pas le service minimum. Duval et tout particulièrement Melki sont impeccables...

Mais malheureusement,Il y a Michel Blanc! Mon Dieu qu'est-il devenu? Certes, il n'a jamais été transcendant dans les rôles dramatiques mais alors là, il a franchi un stade décisif vers l'effondrement.

Il cabotine autant que Gabin, toute dernière période, mais malheureusement il n'a rien de son immense talent. Le spectacle est donc insoutenable. Il déclame son texte, sentencieux, explicatif, moralisateur, tout puissant, ce n'est plus du jeu c'est de l'explication de texte. Balance ton texte, évacue le! A-t-on envie de lui crier! Oublie-toi!

Il nous fait de gros yeux derrière ses culs de bouteille pour nous expliquer combien il est humain. C'est l'école TF1, le jeu à la Navarro,qu'on construit depuis l'extérieur. On fait un personnage ominiscient, super humaniste et sans mystère. On donne une image rassurante et fausse de l'autorité et puis on devient l'ami des ménagères de plus ou moins cinquante ans. Le syndrome vieux con ...

Encore un acteur rattrapé par lui même, il ne courait pas bien vite pourtant.

Ah oui! Il y a la Belluci aussi, elle est décolorée, elle pleure beaucoup fait couler son rimmel, fume des cigarettes, donne de bon conseils à son homme qui ne les suit jamais, et passe de protecteur en protecteur... Oui, oui elle est belle, oui même décolorée...bon voilà quoi...

Un spectacle somme toute qui vaut vraiment le coup d'oeil sans arriver, selon moi, au niveau d'un très bon film. Il donne en tout cas très envie de lire le roman

samedi 20 octobre 2007

Le come back avec Hugh Grand et Drew Barrymore

un film de Mark Lawrence.

Une jeune fille aide un chanteur des années quatre-vingt à faire son come back. Engagée à l'origine pour arroser les plantes, elle deviendra la parolière et bien sûr la petite amie de l'artiste has been.

On est dans le sirupeux, le très sirupeux...Le bonbon anglais...
Tout le monde est gentil là-dedans, le chanteur, la petite arroseuse de plantes, le manager, la star, le public, jusqu'aux circonstances même qui se plient sans rechigner à la nécessité d'une fin heureuse.

C'est une comédie que l'on a formaté autour de et pour Hugh Grant, procédé qui a d'ailleurs permis par le passé de produire quelques succès se laissant regarder sans déplaisir.

Mais ce film est peut-être le combat de trop. Certes, brocarder les années quatre-vingt est plaisant (de plus, il y a l'avantage de s'agglomérer toute la part de marché des trentenaires ) mais ça ne prends pas. Les répliques parfois drôles, tombent à plat. C'est poussif sans aucune spontanéité. Tout est trop téléphoné, trop voulu. Hugh a usé jusqu'à la corde son sempiternel numéro de charmeur, pratiquant l'autodérision. Comme tous ces acteurs qui tentent de reproduire ad nauseum ce qui a marché (Gabin, Delon, Belmondo...) il est devenu le fantôme de lui-même. Il joue sans âme, vidé de l'intérieur,comme un automate.

Dans ce film où il est censé jouer sa peau tout au moins sa carrière, Il se ballade, le poil sec, sans une goutte de sueur, sans une poussée d'inquiétude, cool, en fringues de jeunes, la sourire gibbs et le brebouillement si sympathique en bandoulière...

Au fil des films, le décor, les partenaires changent, lui pas...hélas...
Il est comme Tintin, il empile les albums: Hugh premier ministre, Hugh fait semblant d'être père, Hugh est chanteur...

Quant à Drew Barrymore, il faut bien le dire, elle n'est ni très jolie, ni très sexy. L'on s'interroge même avec une certaine inquiétude sur l'étrangeté de son sourire qui remonte bizarrement vers la gauche (une attaque?). Mais contrairement à Hugh, elle joue avec beaucoup de sincérité. Elle a du charme, sait être touchante et on finit par oublier son physique difficile.

A signaler que la comédienne qui joue sa soeur, une mère de famille autoritaire qui se comporte comme une midinette en face de l'ancienne idole des quatre-vingt est tordante, une vraie nature! Prends en de la graine, Hugh!

vendredi 19 octobre 2007

Proust par Beckett






Rédecouverte de cet essai de Beckett sur Proust paru aux Editions de Minuit.

Je l'ai retrouvé sans le chercher dans un des recoins de ma petite bibliothèque et je l'ai repris avec plaisir tant la confrontation de deux tempéraments aussi radicaux est riche en promesses.



Extrêmes chacun à leur manière, ils suivent leur nature et finissent donc par se rejoindre. Voici Beckett, jeune homme, décrivant l'amour chez Proust : " Il n'existe pas dans l'histoire de la littérature une étude de ce désert où règnent la solitude et la récrimination, et que les hommes nomment l'amour, qui soit exposée puis développée avec un manque de scrupule aussi diabolique. A côté, Adolphe n'est qu'une bavasserie allègre, l'épopée burlesque d'une hypersécrétion salivaire..."

ou la tragédie, toujours chez le même :" La tragédie est le récit d'un expiation mais pas l'expiation minable de la violation d'une loi locale... le personnage tragique représente l'expiation du pêché orginel, du pêché éternel et orginel qu'ils ont commis...: le pêché d'être né.."

Ils font tous deux une littérature incroyable, nihiliste, de fin de cycle, de desespoir, d'un monde sans Dieu et ce faisant ils terminent, ils enterrent en grande pompe, quelque chose qui est sans doute la littérature française.

Ils la poussent dans ses derniers retranchements et la tuent en même temps qu'ils la célébrent, qu'ils la portent à des sommets inouïs (ce dernier point est surtout vrai pour Proust). Ils sont la lumière d'une étoile morte. Les grands font table rase.

Tout est dit et bien dit. Qui peut écrire après eux? Comment ne pas être en deça?

La littérature est morte, paix à son âme.

Mais continuons à lire Beckett parlant de Proust, il a 24 ans, il écrit encore en anglais.

Il prévient, en cela fidèle à la ligne du Contre Sainte-Beuve; "On ne trouvera ici aucune allusion à la vie et à la mort légendaire de Marcel Proust, ni aux potins de la vieille douarière... ni à son eau de seltz..."

On est pas dans la pipolisation ici, qu'on se le dise!

Mais de l'humour ça oui et puis de l'autorité, il survole le débat,
va à l'essentiel, style truculent, précis, gorgé de culture classique, mêlant de manière détonnante le cocasse et le trivial aux finesses de l'analyse:"...l'ennui avec sa horde de ministres bien proprets en chapeau huit-reflets...Car sa mémoire est une corde à linge et les images de son passé sont des hardes sales, dûment lessivée...prête à combler ses besoins de réminescence..."

Certes, l'on est parfois submergé sous ce flot d'images toutes plus insolites les unes que les autres, mais après tout, il n'a que 24 ans et même si déjà Beckett perce sous Beckett, il doit encore maîtriser sa verve.

Il est évidemment fort lucide sur la littérature de son temps, évoquant le passage magnifique du coup de fil que donne le narrateur de la recherche à sa grand-mère, il renvoie tranquillement Cocteau à ses coktails: "Après avoir lu la description de ce coup de téléphone...on la sentiment que la voix humaine de Cocteau est non seulement une banalité, mais une banalité superflue".

Bref du style, du nerf, une pensée qui pétarade en phrase cinglantes et belles mais sans forfanterie, ni romantisme juvénile... Un livre finalement préoccupé de la seule chose qui puisse tenter de remplacer Dieu,

LA LITTERATURE.

P.S: C'est d'ailleurs pour cette raison que j'aime bien Sollers, même si l'on peut lui reprocher beaucoup de choses ( ses livres notamment), il est comme ces gens dans les évangiles, qui sont agités, obsédés, assoiffés de l'amour de Dieu, sauf que son objet à lui est la littérature, Sans cesse il la cherche et la questionne. Et ce faisant, il est dedans...

dimanche 14 octobre 2007

Nouvelle


"A REBOURS


A rebours de ce qui se passait sous d'autres latitudes, juin commençait la saison froide, les matinées étaient alors d'une fraîcheur inhabituelle. Il y avait même du brouillard, pour un peu j'aurai pu rejeter de la condensation par ma bouche, un de ces petits plaisirs des pays à hiver que je n'avais plus guère l'occasion de pratiquer.

A rebours donc ce qui se passait sous d'autres latitudes, le froid, ou plutôt la fraîcheur, était associé à la fin de l'année scolaire et aux vacances qui approchaient. A la délivrance quoi... C'était la raison pour laquelle, je sentais toujours avec beaucoup de plaisir la température descendre. Cette variation du climat si rare ici, me rappelait la France, bonne vieille terre à quatre saisons et me signalait que le grand jour était imminent. Dans mon coeur vibrait une excitation délicieuse qui durerait jusqu'au départ.

Je croyais naïvement, je ne sais trop pour quelle raison, qu'en France, toujours je trouverais la force et la liberté qui me manquaient ici. Et parfois d'ailleurs, c'était le cas. Mais dans l'analyse des causes, je me trompais, j'imputais cette légèreté à la magie du lieu alors qu'elle ne m'étais prêtée que parce que j'y étais de passage.

Cette année, je partais pour de bon. Il faisait froid et j'étais heureux. Je ne ressentais pas même une vague inquiétude.

Marine et moi, étions arrivés très tôt au lycée ce matin-là. Marine était la peite amie d'un type avec qui j'étais devenu quasi inséparable dans les trois derniers mois de l'année.

Le lycée français était encore désert, assis sur les bancs en ciment, nous fumions des cigarettes achetées au détail en attendant que les autres arrivent. Il y avait du brouillard, nous aspirions en même temps que la fumée de grandes bouffées d'air humide.

J'ai gardé, je ne sais comment, une photo en noir et blanc de ce moment là. On voit Marine debout, à côté de moi, en jean et gilet en laine sans manche, tirer sur sa cigarette. Je suis assis et suis en train, semble-t-il ,d'examiner mes ongles avec beaucoup d'attention. J'ai oublié qui a pris la photo...

Je n'ai jamais plus revu Marine après cette journée. c'était une jeune métisse très jolie, très douce, un peu fragile aussi. Elle avait eu quelques malheurs dans le temps, un avortement notamment. Elle était amoureuse de mon copain, un drôle de type qui ne voulait pas lui faire l'amour.

Nous avions pris l'habitude avec le temps, elle et moi, d'aller par dessus notre timidité et de nous faire quelques confidences. On riait aussi et d'ailleurs par jeu, durant quelques jours, on avait adopté le délicieux protocole de se saluer en se faisant la bise sur la bouche. Malheureusement mon copain que son inactivité sexuelle n'empêchait pas de considérer qu'il avait des droits s'en était indigné et nous avions arrêté. Cette fille était largement au dessus de la classe, de celles que j'arrivais habituellement à séduire. Jamais, par un chemin plus classique, je n'aurais pu avoir la chance d'approcher mes lèvres des siennes. Je ne suis d'ailleurs pas allé plus loin que cela. Sans doute n'en étais-je pas amoureux puisqu'il faut que j'écrive ces lignes pour repenser autant à elle..."

samedi 13 octobre 2007

Good bye Fofana

Film de Billie August avec le lippu façon Habsbourg et très peu passionnant Joseph Fiennes.

On se souvient de Billie August pour Pelle le conquérant, film académique et bien léché qui reste surtout remarquable grâce à Max Von Sydow, génial, une fois de plus, en paysan frustre et boueux...

Good bye Fofana est tiré d’une « histoire vraie », il relate la relation entre un gardien de prison et Mandela durant les trente ans qu'aura duré sa détention. Elevé au milieu des noirs, ce gardien ne doute pourtant pas de la nécessité de l'apartheid. Il parle leur dialecte, le xhosa, ce qui le rend très précieux aux yeux du pouvoir afin d'espionner Mandela. Cependant, contre attente, il va au fil du temps tisser des liens privilégiés avec le leader africain. Il réalisera que son prisonnier n’est pas le terroriste que l’on lui présente et que la politique brutale de son pays n’est pas la bonne.

Il incarne en quelque sorte la conscience de la minorité blanche qui, à force de trouver devant elle l’inflexible dignité de Mandela et de son combat, finira par se transformer( au bout de trente ans quand même!).

C’est donc la rencontre entre une personnalité hors du commun, l’une des grandes figures de l’histoire et un homme tout à fait ordinaire, pis que plat même...

Et c’est bien là, le problème. Le personnage principal est si ordinaire, si trivial qu'il est bien peu intéressant. Il est difficile d’être touché par l’éveil (relatif) de ce petit maton (il restera du côté du manche jusqu’au bout, son fils deviendra même maton à son tour !) et par les crises d’hystérie de sa femme, effrayée à l'idée que son mari à moustache sabote sa carrière si prometteuse (adjudant à trente-cinq ans!) avec sa poussée d'humanisme.

Réalisation plate et laide, les couleurs sont affreuses.

Bonne interprétation de Joseph Fiennes, qui est vraisemblable jusqu’à la fin, vieillissement compris, dans le rôle ingrat du petit adjudant pète-sec, jugulaire-jugulaire, touché par la grâce (va-t-il passer lieutenant ?? Suspens !!),.

Le problème avec Joseph Fiennes, c’est que même quand il joue bien, on s’en fout.

Une fois de plus, l’équation grand sujet, petit film semble se vérifier.

(Il paraîtrait que Mandela a nié avoir jamais eu de telles relations avec un de ses gardiens. Maton et mytho alors? Ca en deviendrait presque plus intéressant.)

samedi 6 octobre 2007

Trois cent de Zack Snyder

Adapté tout comme Sin city d'une BD de Franck Miller dont je ne connais pas l'oeuvre.

Dans les deux films, il y a un travail sur l'image, une très grande stylisation, destinée à la rapprocher du dessin...Dans les deux, le résultat est très beau...

Dans Sin city, film à sketchs, j'avais surtout retenu l'épisode avec Mickey Rourke. Car de ce qui reste de lui, parfois émerge encore un acteur magnifique. Bien sûr, il s'est tellement détruit, qu'il faut qu'il soit redessiné, remastérisé en créature, mi-bête mi-homme, pour redevenir regardable mais alors quel spectacle!

L'âme lui passe par tous les pores!

Tout comme Rimbaud, Brando, c'est quelqu'un que l'on aime autant pour ce qu'il a fait, que pour ce qu'il a gâché. Superbes losers! Le dégoût qu'ils prennent pour leur art, leur auto-destruction est aussi la signature de leur pureté.

Mais revenons aux Trois cents...

Censé évoquer la bataille des Thermopyles où trois cent spartiates arrêtèrent des milliers de perses.

Une réalisation superbe, une image donc rédéfinie, peinte, très belle, proche du dessin animé et permettant par là une distanciation à la violence.

Et c'est heureux car le film est très facho, il prône le refus de la différence. Il commence par une scène déplaisante, le massacre des bébes... Sparte pratique un eugénisme brutal, en effet tout ceux qui à la naissance ne sont pas conformes au modèle sont éliminés.

Sparte, dévolue à la guerre, se construit sur un tas de cadavres. Les jeunes subissent une éducation ultraviolente dont seuls les plus forts survivent. Voilà qui n'est pas sans évoquer des troisièmes reichs pas si lointains.

Cela n'empêche pas leur chef prognate de prétendre, absurdement, lutter pour la liberté.

C'est donc à cette société fasciste qu'il va falloir s'identifier.

Des millions de perses menacent la Grèce.

La minceur du propos est aussi sa force et c'est là que l'on se rend compte que la bande dessinée est beaucoup moins poliquement correcte que le cinéma, les spartiates manifestent une férocité, un entrain à la guerre et donc une folie finalement très réjouissante. Sans doute dans cette joyeuse barbarie y-a-t-il un peu de l'état d'esprit antique, alors préservé des valeurs chrétiennes? En cela, c'est beaucoup plus intéressant que le gladiateur de Ridley Scott au préchi-précha humaniste ridiculement anachronique.

Scène magnifique où une nuée de fléches tapisse le ciel et retombe telle une pluie mortelle sur les spartiates qui protégés par leur bouclier sont pris de fou rire, tout à la joie de la guerre.

Bien sûr cette motivation imbécile et permanente, cet esprit de corps hystérique, se résume tellement à cela que les Trois cent font parfois plus penser à une équipe de footballeurs américains, dopés et conditionnés, qu'à des guerriers grecs, dépositaires de la philosophie et de la culture du berceau de l'occident.

Les scènes de batailles renvoient souvent au Seigneur des anneaux. Le fait que des mêmes acteurs soient dans les deux films accentue encore le parallèle (Le survivant qui "va dire à Sparte" jouait un des fils du régisseur du Gondor. Il est d'ailleurs excellent car complétement différent, beaucoup plus d'une pièce, plus dans la force sèche que dans The Lord où il faisait un peu son sensible).

Dans Trois cent comme dans la trilogie de Jackson, on voit des éléphants, des trolls et des monstres ( l'ennemi est toujours monstrueux, le traitre est un être difforme, les immortels, soldats d'élite de Xerxés ont des faces horribles sous leur masque. Seul le roi des perses , autoproclamé dieu vivant qui est un athlète gigantesque, paraît échapper à cette malédiction, cependant couvert de percing et de bijoux, très maniéré, il ressemble plus à la grande zaza qu'à un conquérant. Sans doute est-ce encore une manière de stigmatiser la différence que de la présenter comme une corruption? Mais dans le fond qu'y-at-il de plus homo que ces spartiates inséparables, à moitié nus, folles de leur corps?).

A part ça, peu d'émotion, peu de transcendance, cela ne décolle jamais au dela du truc bien ficelé mais sans âme...

Je me demande alors pourquoi j'ai pondu un pavé pareil...

Sans doute parceque somme toute c'est un bon divertissement, qui de plus est vraiment dans l'air du temps avec la coupe du monde de rugby qui se déroule...pratiquement.. sur notre sol.

vendredi 5 octobre 2007

Quand on voit des types fumer dans une D.S

Quand on voit des types en costard cravate fumer dans une D.S, tandis qu'un paysage préalablement filmé, censé figurer l'extérieur, défile derrière eux; quand on voit des types en costume cravate aller en bande par les rues, rentrer dans les cafés, où tintinabulent des flippers et flottent des nuages de fumée de gitanes...

Quand on voit ccs types apostropher bruyamment le patron du bar, puis se ranger autour du comptoir pour boire des demis, tandis que l'un d'entre eux, tout à coup, s'isole du brouhaha et se fait méditatif pour regarder une femme qui arrive en imper, les cheveux au vent
( Parfois, il y a de la musique pendant qu'elle fait la bise à certains des types, rit à pleine dents de plaisanteries que l'on n'entend pas. C'est une femme dont il est train de tomber amoureux ou bien une femme qu'il va quitter ou alors une femme qui le quitte, qui s'éloigne de lui sans qu'il n'y puisse rien.)...

Quand on voit ces types au boulot, les mêmes que l'on a croisé dans la rue, dans les brasseries ou le dimanche dans des parties de campagne ( Pas de cloisonnement dans ces amitiés) poser la veste, se concerter, parler fort, s'engueuler souvent ( mais sans vice, sans fourberie...Ils sont ensemble, ils ont des difficultés d'hommes qu'ils vont tenter de résoudre...)...

Quand on voit ces hommes froisser distraitement des billets de 500 francs entre leurs doigts à la demande du grand père pour l'anniversaire oublié d'un fils.
Ca suffira? Ils sont déjà ailleurs, l'argent n'est vraiment pas le problème.

Et toujours ils fument, avec délectation, avec innocence...

C'est la société de l'abondance, de l'optimisme des sixties, la fin de l'histoire, le quotidien magnifié...

Quand on voit tout cela et bien c'est que l'on est dans un film de Sautet, bonne période, celle d'avant la glaciation, d'avant la dépression et l'autisme...

Ca n'existe pas, c'est du rêve mais c'est chaud et doux.