dimanche 2 décembre 2007

Flight plan

Mais qu'est qui arrive à Jodie Foster? Elle se pique à la testotérone? Elle ne choisit un film qu'à condition de pouvoir y sauver le monde?

Son dernier film sorti en France où elle prenait la relève de Bronson pour faire la justice dans la ville était parait-il une vraie catastrophe, digne de l'acteur cité plus haut. Flight plan tourné quelques temps auparavant est dans la droite ligne de cette option série z (bon, n'exagérons pas, disons y).

Ce qui frappe déjà, c'est le luxe dans lequel vivent les protagonistes et leur indifférence à cet environnement. Grand appartement, avion géant, tout cela est habituel, et du...

On reconnait souvent un mauvais film à des détails de ce genre. Les concepteurs se contentant de projeter leur niveau de vie sur les personnages sans plus de réflexion sur ce que devrait être leur contexte social.

Bon au début, atmosphère dépressive, hiver, ciel bouché, neige glacée, visage livide, le personnage de Jodie vient de perdre son mari dans des circonstances difficiles. Arrive ensuite un voyage et une histoire ahurissante d'enfant disparu dans le ventre immense de l'avion. Jodie fronce alors son museau pointu, émacié, j'imagine, par les régimes et les séances de bodybuilding avec son coach personnel, et fait son intense pendant tout le reste du film. C'est très pénible à supporter. L'histoire est d'une connerie tellement totale qu'il y a même la petite touche de tolérance humaniste qui montre que si les américains ont été traumatisés par le 11 septembre, dans ce film on a du recul. Des arabes sont accusés à tort par Jodie trés énervée, super intense. Or l'on se rend compte ensuite qu'ils étaient innocents, le coupable,en fait, était un blanc américain, avec, il faut le signaler tout de même, un drôle d'accent d'anglais. Quelle leçon! On voit bien que Jodie vote démocrate.

Dans la suite du film, Jodie met un tee shirt qui fait saillir ses muscles, casse la tête à un terroriste aussi gaffeur que Peter sellers dans The party et récupère sa fille-fille sous les honneurs et l'admiration de tous.

Normal, c'est rare une maman qui soit à la fois si tendre, si attentionnée et aussi couillue.

samedi 1 décembre 2007

Deuxième partie



Une chanteuse noire en short mauve se déhanchant de profil, un présentateur météo exalté pointant des masses nuageuses, la course brusque d’une lionne après un zèbre isolé, les voitures de Bullit bondissant par-dessus San Francisco; un soap brésilien grossièrement doublé, une bribe de débat sur les violences urbaines…. Midi, plongé dans le noir, affalé torse nu sur un fauteuil, une de ses jambes pendant par dessus l’accoudoir, une grande bouteille de coca au trois quart vide à ses pieds l’enfant faisait défiler les images d’un air morose, un groupe de chalets sur fond de ciel bleu, le noir et blanc saccadé d’un film muet puis les chalets à nouveau…Les chalets….

Ce coin de montagne ne lui était pas inconnu. Il se redressa et augmenta le son. C’était le hameau où habitaient sa mère et son beau père. On parlait d’eux au journal télévisé ! Le sentiment revint en lui.

Bien qu’il eût un ton posé, et une coupe impeccable, le journaliste était très acerbe. Il prêtait des affaires troubles à son beau-père, de multiples procès en cours, et une réputation douteuse. Ses questions étaient des jugements, le promoteur aux méthodes si peu régulières ne se serait-il pas sauvé pour échapper à des créanciers menaçants ou à la justice qui était sur le point de le démasquer ? Il n’envisageait qu’à peine l’éventualité d’un drame. Il parlait bien des traces de sang retrouvées dans le chalet mais les évacuait rapidement en avançant l’hypothèse d’une mise en scène. Après tout, on avait retrouvé le quatre-quatre du promoteur sur le parking de l’aéroport.

Ces supputations articulées avec un calme cruel dévastaient l’enfant.

Il but une grande rasade à la bouteille de coca.

Puis vint, un vieil homme frêle, il le reconnut à sa belle chevelure blanche et sa mine fermée. Il le croisait parfois dans les petites rues marchant très lentement, un cabas fait de maigres courses à la main. Sa mère disait que c’était un ancien magistrat. Quand il croisait le promoteur, il le saluait toujours d’un signe de tête très déférent. A chaque fois, l’enfant en était flatté. Et pourtant, là, devant les caméras, l’homme affirmait que son beau père avait certainement manigancé sa disparition, qu’il était connu dans le coin pour être quelqu’un de peu fiable.

Enculé !

Le visage rougeaud d’un homme blond apparût tout à coup en gros plan. C’était un de leurs voisins. Un plouc, un type du nord, robuste et frustre. Il avait un drôle d’accent. Il donnait l’impression de mettre des circonflexes sur tous les a, tant il les aplatissait. Il racontait la dernière fois qu’il avait vu son beau-père. Il souriait.

J’étais dans le garage, je faisais mes cartons disait-il et puis je l’ai vu, il était comme d’habitude pas aimable, toujours pressé. Il a prit sa voiture et voilà !

Il monta jusqu’à quelques dizaines de mètres de l’habitation familiale du promoteur.

On peut pas aller plus loin dit-il la police est à l’intérieur. Ils bloquent tout. Il plissait les yeux à cause du soleil, ses joues rouges luisaient, le vent faisait bouger doucement ses mèches blondes. Il se tourna et considéra un moment le chalet.

La police scientifique fit-il en revenant face caméra..

Derrière lui, on apercevait des hommes, vêtus de combinaisons blanches, aller et venir autour du bâtiment.

Ils cherchent des indices.

Dans le plan suivant, il dévalait de escaliers en bois et s’arrêtait près d’une cloison. C’est construit n’importe comment affirmait-il d’un air dégoûté.

Il avait emmené l’équipe de télévision dans une des autres maisons du promoteur, sans doute plus facile d’accès que le logement principal. Il tapait sur les murs pour montrer la fragilité du matériau.

Il parlait du promoteur comme d’un escroc, disant qu’il essayait d’entourlouper tout le monde. Il raconta qu’une fois les ouvriers qui travaillaient sur ses chantiers avaient du lui mettre la tête dans un four à pain pour avoir leur argent. Le nombre de personnes qui lui en voudrait serait effarant, il y en aurait jusqu’en Russie.

Et là-bas, c’est pas des tendres ajoutait l’homme. De toute façon, moi s’il avait tenté de aux m’arnaquer, c’est bien simple, je l’aurais collé au mur !

Tu parles ! Ricana l’enfant

Il avait pu assister une fois à l’un de leurs face à face. L’homme était venu voir le promoteur pour une histoire de loyer. Ca avait été gênant. Son beau-père brusque, autoritaire, la parole facile et forte, n'avait fait qu'une bouchée du rustre qui bredouillait.

Mais il est vrai que là, à la télé, il semblait complètement transfiguré. Affable, sûr de lui, il resplendissait sous le soleil.l’enfant se dit avec un peu de frayeur qu’il était peut-être totalement différent de ce qu’il avait cru.

Il a du aller se planquer quelque part conclut l’homme en haussant les épaules.


Le reporter évoqua les tâches de sang qui avaient été découvertes dans une des chambres des petites filles.

Ce sang ! L’enfant y pensait sans cesse, imaginant ses parents blessés, mutilés, torturés voire morts peut-être ! Sa mère ! Encore il but.

L’homme ne parût pas impressionné. Il eut une moue dubitative.

Il a pu faire une mise en scène. Toute la presse en parle, les gendarmes disent que le sang, ça veut rien dire. Dans le fond, on sait pas ce qui s’est passé, tout est possible ! Tout ! Aussi bien quelqu’un lui a fait la peau, qu’il s’est barré peinard dans une île…

Puis il y eût une ellipse, la nuit était tombée, on était dans l’intimité chaleureuse d’une grande cuisine. Les bras croisés, les fesses posées sur le bord d’un meuble bas, l’homme s’était replié dans le fond de la pièce. Une table tenait le centre. Deux enfants y était occupés dans un coin à faire leurs devoirs ou quelques coloriages. Sur le devant, rousse et fortement maquillée, une femme d’une trentaine d’année, assez jolie, parlait avec beaucoup de virulence.

Que des histoires ! On a eu que des histoires avec lui !

Bon, il s’est trouvé qu’une fois, ils avaient besoin de quelqu’un pour les aider à faire les tâches ménagères. Bon, à l’époque, je travaillais pas. J’ai bien voulu le faire pour les arranger. Mais il faut voir comment ils se sont comportés ! Surtout lui ! Il est odieux ! Et des ordres ! Et jamais content et jamais s’ils vous plait ! Il fallait …

Elle baissa un peu la voix.

Il fallait que je passe derrière aux toilettes pour nettoyer. Et c’était dans un état ! Dans un état ! Non, vous pouvez pas imaginer ! Jamais j’ai connu des gens aussi sales ! Surtout lui !
A peine s’il tirait la chasse !! Odieux Il était odieux ! Quand j’ai raconté ça à cui-ci…

Elle désigna du menton son mari.

Il a dit bon ça suffit. T’arrête.Tu reviens à la maison.

L’homme ne montra pas de fierté particulière à la divulgation de cette réplique définitive. Il resta effacé, à l’arrière, les bras croisés sur le ventre, un air paisible sur les traits.

L’enfant recevait de plein fouet cette animosité. .Le choc était d’autant plus grand qu’il aimait bien les gens du village. Ils faisaient partie du décor plaisant de ses vacances au même titre que la cime bleue des sommets et le doux tintement des cloches accrochés au cou des vaches. A aucun moment il n’avait soupçonné que derrière leur apparence lisse de second rôle, ils puissent cacher autant de ressentiment.

Et la femme continuait.

Que des histoires ! Je vous dis ! C’est comme pour avoir un logement fixe ! On a du attendre des mois, toujours il nous en promettait un et jamais on voyait rien venir ! Alors au moment où enfin on signe un bail de trois ans pour ce chalet là, (elle brandit un papier) au moment où on commence enfin à respirer et ben il disparaît ! Il disparaît ce con-là !

Et encore une fois on se fait avoir ! On est vraiment maudits !

Puis venait une question sur l’honnêteté du promoteur et elle éclatait :

C’est un voleur ! Il arnaque tout le monde ! Vous avez demandé aux gens du village ? Allez-y vous verrez !

La sonnerie d’un portable l’interrompit. Elle boucha l’une de ses oreilles et gagna l’arrière de la pièce.

Y a la télé ! hurla-t-elle d’un ton ravi. La télé ! TF1 ! Ils sont venus nous filmer ! Oui ! Oui !je t’dis ! je te rappelle tout à l’heure bisous !

Elle revint vers la caméra encore toute souriante, heureuse sans doute de la réaction de son interlocuteur. Puis sans transition :

Au moment où on avait le chalet, où on était bien, il disparaît, s’il faut il est sur un bateau bien tranquille avec tout son pognon ce connard !

Derrière elle, l’homme s’était approché des enfants. Malgré son désarroi, le jeune garçon ne manqua pas de remarquer qu’il leur parlait avec beaucoup de gentillesse et douceur. Sans doute essayait-il de les aider dans leurs travaux tout en leur faisant comprendre qu’il fallait être discret à cause de la télé. Il en déduit avec un pincement au cœur qu’il devait être un bon père pour agir avec tant de prévenance. Mais peut-être aussi n’était-ce qu’une petite comédie à l’intention des caméras.

Le reportage se termina là-dessus.

Le présentateur lança d’une voix froide, le titre suivant, les inondations dans le sud. L’enfant zappa.

Mais il ne regardait plus la télé.