dimanche 25 novembre 2007

Zodiac

Celui-là est de David Fincher et fait le tour de la question puisqu'il dure pas moins de deux heures et demi et prend donc largement le temps d'explorer toutes les pistes et de filer toutes les hypothèses.

Par rapport à l'autre film:Zodiac, il y a dans celui-là quelque chose de très reposant, de très agréable, c'est sa ligne claire:

Tout d'abord, le premier degré est traité très sérieusement, mais comment faire autrement d'ailleurs pour rendre compte d'une affaire si complexe, si dense, où les indices partent dans toutes les directions et où les faits résistent si obstinément à l'ordre dans lequel voudrait les ranger le bon sens?

Puis un éclairage franc et direct, est mis sur des personnages qui sont à la fois ordinaires et passionnants.

Le film situé dans les années soixante-dix est aussi dans sa forme un clair hommage au cinéma américain de cette époque là.

Il est un peu dans la manière "Des hommes du président", en ce sens qu'il s'agit d'une quête de la vérité conduite par des professionnels (journalistes et policiers) et qu'entre les personnages, il n'est question que de cela, que de l'enquête. Pas de place ou si peu pour l'amour, l'amitié. Ce qui relie ces gens entre eux, c'est l'affaire, le tueur du zodiaque, le professionnalisme.

Seulement, le métier, trouve aussi ses limites et commande parfois d'arrêter.

MAIS ON NE PEUT PAS VIVRE SANS LA VERITE, ON SURVIT SEULEMENT.

Alors la passion, le sentiment supplante le métier et avec son énergie arrive le poison. Saisir cette vérité qui se dérobe devient une obsession dévorante. Carrière, santé, couple rien ne résiste à ce graal-là. Mais heureusement si le professionnalisme protège les hommes des emportements de la passion, la passion parfois permet l'impossible.

L'entêtement jusqu'à la déréliction finit par produire un semblant de résultat. La passion répondant à la folie meutrière en triomphe presque. L'on termine ainsi sur la localisation d'un suspect très proche d'un coupable plausible....

Certes, c'est de l'histoire roborative (on pense parfois à certains Ludmets austères et complexes, tel le prince de new york). Il faut être un vieux routier des films et des livres touffus, avoir l'habitude de longs parcours dans la savane de la fiction pour tenir jusqu'au bout, mais cela en vaut la peine.

Ce film tient la route par une bonne facture toute seventies: une solide reconstitution qui évite les pièges du tape à l'oeil, une interprétation remarquable.

Enfin, film de genre, c'est un hommage au cinéma. Fincher en arrivant aux tréfonds de cette affaire y voit du cinéma partout. Le sigle même du Zodiac en serait un avatar. Si le cinéma se nourrit de la réalité, l'inverse est également vrai. Le cinéma change la vie. Les meurtres sont inspirés par un chef d'oeuvre R.K.O des années trente: les chasses du comte Zaroff, où l'homme y est chassé en tant qu'animal le plus dangereux de la création. Ces crimes reviendront ensuite à leur glaise originelle par la grâce de Clint eastwood qui s'inspirera de l'affaire pour un de ses dirty harry . A cette différence que flic et tribunal à lui tout seul, il n'est jamais resté jamais avec un meurtre irrésolu sur l'estomac.

dimanche 18 novembre 2007

The Zodiac

Film de 2005, Réalisé par Alexander Bulkley
Avec Justin Chambers, Robin Tunney, Rory Culkin...

A ne pas confondre avec Zodiac du talentueux David Fincher, bien qu'il narre la même histoire. Celle de ce tueur en série des années soixante, jamais confondu, qui assassinait de jeunes couples et laissait des messages ésotériques à la presse.

Tourné, noyé même, dans le vieil or de l'été de la côte ouest américaine, ce film à des velléités esthétisantes. Ce qui n'est pas sans inconvénient car il produit de l'atmosphère au détriment d'abord de toute crédibilité (bien que le tueur ait opéré durant des années, le temps reste au beau durant toute l'histoire) mais surtout de l'intérêt du récit.

Le réalisateur à un point de vue contemplatif. Il fait son Terence Malick, la violence des hommes au milieu de la splendeur indifférente de la nature. Mais n'est pas Terence qui veut, le récit bacle les événements intéressants pour alimenter un impressionnisme poétique barbant.

Cette histoire déja très frustrante (l'assassin ne sera jamais arrêté) l'est ici encore plus car le metteur en scène tout à son bricolage formalisant pense à peine à restituer le déroulement des faits.

Par exemple, on apprend le décodage des messages secret du tueur de manière elliptique par l'intermédiaire d'un reportage télé sans que l'on ne soit informé en rien sur la clef de ces signes cabalistiques.

Le scénario préfère s'attarder sur la éniemme version de la décomposition d'un couple de flic, sur les vertes amourettes du fils du policier, sur son obsession malsaine pour l'affaire... De l'anecdote qui va partout, ne mène nulle part et ne dit rien.

La femme du policier, actrice de téléfilm aux yeux bleus et aux sourcils épais, est doublement exaspérante d'abord du fait de son interprétation stéreotypé mais aussi parce que chacune de ses apparitions ralentit une action déja bien lente.

Au final, film qui n'élucide rien, ne raconte rien, dure 94 longues minutes et s'achève sur une impression de vide.

Il est semblable en cela au temps de la prison, qui long quand on l'accomplit, parait du fait de sa vacuité, être passé comme l'éclair quand on le considère depuis la liberté.

vendredi 16 novembre 2007

De la difficulté de lire après le combat

Drôle de pistolet que ce sire là!

Mal aimé des fées, triste figure, gus renfrogné, ce quidam qui cache son menton dans son cou, s'acharne beaucoup pour obtenir peu.

Son naturel n'est pas la facilité.

Affronter le quotidien lui fait l'effet de porter le monde sur ses épaules.

Aujourd'hui, comme tous les jours, il a beaucoup perdu pour gagner sa journée.

Il joue sa vie, croit-il.

Après le labeur, il se voit comme un survivant, un guerrier zébré de blessures et brisé par la fatigue des combats.

Pourtant au travail, il joue prudemment. Pas question de relever des challenges, de dépasser les objectifs, d'être force de proposition... Il fait le dos rond, son seul but est d'éviter la catastrophe qui à tout moment menace de l'écraser.

Ce soir,une fois de plus, le miracle s'est produit. Il est arrivé au bout de sa journée!

IL EST VIVANT!

Le corps chiffon, la tête vide, la bouche pleine de sandwich au fromage, il s'affale sur le divan, devant la télé qui braille. Il n'aspire plus qu'à appliquer à son esprit meurtri des emplâtres d'émissions dîtes de divertissement, de celles où l'on applaudit toutes les trentes secondes.

Bien sûr une voix huhule entre ses tempes: "qu'as tu fais de ta jeunesse Guillaume?"

Il ne s'appelle pas Guillaume mais il a lu autrefois.

Enfin il est au lit, moulu, membres brisés. Etendu au chaud, au doux, il sent la fatigue monter comme une mer, l'aplatir sur le matelas, c'est bon...

Il reste un long moment les yeux fermés, est sur le point de s'endormir, fait même quelques mini-rêves puis péniblement,il s'arrache à la succion de la fatigue. Il se saisit d'un lourd pavé et l'ouvre. C'est Les disparus de Mendelsohn. Il n'en est encore qu'au début.

L'holocauste en filigrane... Une famille juive originaire d'europe de l'est vit aux Etats Unis, un petit garçon sent que sa présence est en lien avec un non-dit abyssal et douloureux, des gens pleurent quand il rentre dans une pièce, son grand père a perdu frère et soeurs pendant la guerre, c'est un homme élégant, très pieux et ... Et...

Alors, le lecteur, petit bureau besogneux, morceau méritant de la France qui se lève tôt, les membres flanelles épandus, bascule avec délice dans le sommeil, l'oubli des écorchures de l'âme....

Ses rêves valent toutes les lectures.

Les disparus, semblant pour le moment d'une bonne facture, l'horrible travailleur en fera certainement un compte-rendu sérieux dans une prochaine rubrique.

samedi 10 novembre 2007

WELLES



























A l'occasion de la diffusion de son oeuvre complète sur Cinema Classic, parlons un peu de ce bon géant...

Pourquoi bon d'abord ? Sans doute parceque bien qu'il soit dcté d'une personnalité colossale, il semblait trés peu égotique, très peu préoccupé de lui-même. Il avait la naîveté et la grandeur d'un Balzac. Il était obsédé seulement de cinéma, de son art, du film en train de se faire. Et s'il jouait dans ses films, c'était bien parceque c'était plus pratique et moins cher.

Décrié par les studios, afflublé d'une réputation de velléitaire dispendieux , tournant ses films malgré tout, dans des conditions insensées, bout de ficelle après bout de ficelle, il laisse une oeuvre magistrale...

Tout d'abord quel acteur! Voix de basse, puissante, profonde, sans aspérités, toute en velours... La Harley du comédien.

La voix qui depuis le texte de son homonyme anglais a jeté l'Amérique en panique sur les routes

Au cinéma, il se payait le luxe de pousser très loin ses compositions et de rester absolument crédible.

Quand on regarde le Welles jeune, dans Citizen Kane, on est frappé par la qualité de son interprétation. Il joue un homme mûr, ayant bien trente ans de plus que lui, et il est très vraisemblable, très juste. Il concilie parfaitement maquillage et jeu. De même que dans A touch of evil, il sait se rendre méconnaissable,dessiner puissamment une silhouette, sans que l'artifice ne soit grossier. Au cinéma, contrairement à ce que l'on pourrait croire, c'est un tour de force.

Il faut être un très grand acteur pour concevoir et porter le maquillage ainsi. Se vieillir est la chose la plus difficile à faire. Cela demande une conscience très fine. Les seuls ayant réussis sont Welles lui-même, et... Brando, qui dans le parrain, rajoute près de 25 ans à son âge, sans que l'on ne voit aucun bout de carton dépasser. La classe même...

Pensons en comparaison au jeu ridicule d'Al Pacino, dans le parrain 3, en cacochyme coiffé en brosse.

Ce qui frappe également dans le jeu de Welles, c'est le plaisir qu'il éprouve, il joue, il s'amuse. Il ronronne comme un chat, de pouvoir donner sa mesure, de lâcher sa faconde, d'inventer...

Rien de plus ludique et joyeux que le rapport de Wells au cinéma, il a quelque chose d'un enfant génial qui s'amuse avec un jouet magique et tente en épuiser les possibilités, multipliant de ce fait les trouvailles, jusqu'à en donner le tournis.

Quand on regarde un film de Welles, regarde-t-on le film ou sa mise en scène?

Welles détestait que l'on qualifie ses mise en scène de brillantes, elles devaient se couler au service de l'histoire et donc ne pas se voir. Mais de fait, elles se voient, elles étincellent , elles tonitruent même. Et d'ailleurs cela n'a aucune importance. son génie est si éclatant et généreux qu'il ne se laisse pas étouffer par la sophistiquation de ses propres circonvolutions. Film ou discours sur le cinéma? Peu importe, le résultat est grandiose et moderne pour l'éternité.

Comme il s'amuse, comme il jouit, il y a beaucoup de pureté et de gratuité dans son art, ce qui n'est pas pour rien dans l'impression de bonté dont je parlais plus haut.

Macbeth donc se jouait hier soir sur Cinéma Classic, sorte de cauchemard primitif, semblant se dérouler aussi bien au moment où peu à peu du monde ancien, archaïque et magique émerge la rationalité de la croix que dans une région souterraine de la conscience.

Welles, ébloui par la soleil de la tentation, s'enfonce dans le crime avec l'innocence d'un jeune homme.

Et c'est bien ainsi que je le vois, ébloui par quelque soleil noir, innocent et jeune, ...pour toujours...

samedi 3 novembre 2007

Dreamgirls

Où est-on ? Se demande-t-on au début de ce film, on a déjà entendu ces claquements de doigts, cette ambiance jazz, sensuelle, ah oui Bob Fosse!

Super alors! Et puis au fur et à mesure que le film avance...

Non, ce n'est pas ça, c'est un biopic plutôt. C'est Tina Turner! Non, c'est Ray Charles!

Non, horreur! c'est un clip de Beyonce!

Et effectivement, après avoir tardé un peu à se repérer dans ce film hybride, qui se cherche, qui hésite et patine, on finit par réaliser que l'on est dans la pire soupe musicale, le r'n'b! Avec tout le sirop un peu écoeurant que cela suppose...

Le film retrace plus ou moins la carrière de Diana Ross ( artiste pas vraiment passionnante). Le problème, c'est justement le plus ou moins:

Diana Ross est plus ou moins Diana Ross, puisqu'ici elle s'appelle Deena Jones, Florence ballard devient Effie white, les Supremes sont les Dreams et ainsi de suite...

Résultat, à force d'évoquer sans vraiment raconter, on est dans l'ertzatz, au musée Grévin des années soixante, soixante-dix. La B.O écrite pour l'occasion, mixte d'hier et d'aujourd'hui, forme sans contenu, est atroce.

Ce film tout à la fois ghetto et marketé car conçu en grande partie à destination des noirs a par bribes un arrière-fond intéressant: le pillage par les blancs de la musique afroaméricaine ( un peu caricatural ici tout de même), les émeutes raciales, et puis l'ascension de producteurs de couleur qui une fois aux commandes finissent par se comporter aussi mal que leurs prédecesseurs blancs.

A part ces quelques notations, c'est au final un film long, mielleux, sucré, qui barbouille l'estomac... Pour les fans de popstars...

vendredi 2 novembre 2007

Le petit Coppola

Article assez tordant dans le Monde 2. L'on ne sait trop si c'est l'angle de vue du journaliste ou si c'est un reflet d'une certaine réalité mais Francis Ford Coppola, réalisateur gigantesque, y apparaît bien triste et amer. Il fait le bilan de sa sombre existence et explique qu'on lui a volé sa vie! Le pauvre n'a pas fait les films qu'il voulait!

En réalité, dit-il, il n'était pas fait pour réaliser des superproductions mais pour faire de petits films artisanaux. Voilà pourquoi, à soixante-huit ans passés, revenant vers les petits budgets, il a le sentiment d'avoir enfin trouvé sa voie.

Mais que de ratés, que d'échecs avant cette illumination:

Le parrain, le parrain 2, conversation secrète, Apocalypse Now...
Une vie brisée en somme. On en pleure.

Plus sérieusement, certes, Coppola n'est pas à l'origine du premier parrain, qui est une commande et qu'il voyait comme une entreprise uniquement commerciale, certes le roman est mauvais mais à l'arrivée, quel film! Quels films même devrais-je dire, le second étant encore meilleur que le premier.

Des chefs d'oeuvre, des tragédies sur lesquels le temps n'a aucune prise, classiques, intemporels.... Radiographie critique de l'Amérique, décors somptueux, magnifiques personnages de monomaniaques qui aspirent tout l'air autour d'eux à force d'être possédés par leur idée fixe.

Je souhaite à tous les réalisateurs de faire des carrières involontaires de ce genre.

Heureusement, quand on arrive à la fin de cet article au ton misérabiliste, on est soulagé d'apprendre de la bouche même de Coppola qu'il n'est pas seulement riche mais immensement riche. Voilà qui doit mettre du baume sur ses plaies d'artiste brimé.

Si l'on passe sur le pathos ridicule du journaliste du monde 2 et s'il y a un fond de vérité dans cet articulet, il est presque émouvant de voir que ce démuirge de Coppola, revenu de toutes les apocalypses artistiques et financières, a toujours et encore envie de filmer et que pour rester dans la passion, dans l'invention, il se raconte que c'est la manière de sa jeunesse avec des moyens légers qui lui convient.

Lui aussi est dévoré par son idée fixe, filmer...Jusqu'au bout...

Son dernier film est une adaptation de Eliade avec Tim Roth.

Pas de quoi être triste.