vendredi 26 septembre 2008

Ce blog n'est pas mort

Je travaille les aventures de Pépère et les remettrai sous peu en ligne .

j'ai ensuite l'intention de livrer, sous forme de feuilleton, le roman d'un fait-divers.

S'il y a des yeux de par les espaces qui me lisent, qu'ils patientent.

dimanche 16 mars 2008

Le scaphandre et le papillon

de Julian Schnabel. Avec Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Marie-Josée Croze, Anne Consigny...

Pris au vidéo club en désespoir de cause car il n'y avait rien de rien de rien, mais vraiment rien de rien d'autre à louer...

Donc sans enthousiaste aucun, j'ai pris ce film que je savais être l'histoire d'un homme réduit au grabat par un accident cérébral.

Peu de cascades et de suspens haletant en perspective... D'autant, que comme tout le monde, je connaissais déjà la fin.

Les critiques élogieuses lors du festival de Cannes ainsi que le souvenir d'un film précedent, très intéressant, de Schnabel: Basquiat, sur le peintre du même nom, avec l'excellent Benicio del toro, tempérait cet à prori négatif.

Mais mon instinct avait parlé et bien parlé.

Car au final, c'est un film assez ennuyeux. Forcément quand le personnage principal d'un film ne peut plus bouger qu'une paupière, on doit s'attendre à des péripéties extrêmement réduites.

Donc un type, impuissant comme un nourrisson, est cloué au lit, sans pouvoir esquisser ni le moindre geste, ni la moindre expression, ni le moindre son. Il est entourés de belles femmes qui le regardent avec des larmes de tendresse en se collant à son unique oeil valide.

Il vit dans son for intérieur. Par la grâce de la voix off, on l'entend penser, commenter, se souvenir, regretter d'avoir survolé un peu les choses.

Trop facile sa vie, trop rapide peut-être, rédacteur en chef de Elle à 42 ans le pauvre chou... Des enfants, un divorce, une nouvelle femme.... Le bonheur bobo quoi... Mais voilà que son tronc cérébral déraille et qu'il est foudroyé, emmuré vivant dans son corps.

Belle voix d'Amalric, acteur intéressant dans plein de registres, il y a de la transcendance dans cette voix, mais hélas pas dans le film, l'émotion n'arrive jamais jusqu'au ventre. On reste étranger, à l'extérieur de ce drame.

On baille... Donnons cependant au passage un bon point à Isaac de Bankole, sympathique et drôle.

En tout cas, ce film est la preuve, s'il en était besoin, que l'intensité d'une tragédie personnelle ne garantit en rien l'intensité de la transcription artistique qui en est faite.

samedi 15 mars 2008

Batailles

de J.M Ribes et Roland Topor
avec Pierre arditi, François Berléand, Tonie Marshall au théâtre du Rond-Point

Reprise de pièces écrites, il y a 25 ans alors que Topor était encore vivant et qu'il était ami avec Ribes.

j'aimais et respectais beaucoup Topor, artiste atypique, exempt de putasserie audiovisuelle et politiquement correcte, écrivain, dessinateur, comédien à l'occasion (son rire dans Nosferatu de Wenders, "le maître arrive!!!!", est le seul truc d'ailleurs qui me reste de ce film pompeux et pompé...)

J'avais lu ses " mémoires d'un vieux con" et j'avais trouvé ce name dropping très drôle et rendant bien le pédantisme des mémoires d'artistes ou de sattelites de ces derniers qui ne peuvent s'assoir à une table sans rencontrer Marcel Proust et Beckett, ni discuter avec Joyce sans lui souffler l'idée d'Ulysse. Comme quoi la connerie est la chose la mieux partagée du monde. et ni la culture, ni l'intelligence n'en protège. La vanité est démocratique, elle infecte tout le monde.

Pour la vanité "N'importe quoi,c'est mieux que rien du tout" ,disait d'ailleurs Céline, à propos de ces colons imbéciles qui dans le Voyage, font des concours de fièvre et sont très fiers quand ils gagnent l'épreuve grâce à une poussée particulièrement virulente de leur paludisme.

Donc Topor et JM Ribes qui s'appréciaient beaucoup ont écrit quelques piecettes à deux mains autour du thème de la bataille.

"...en un mois...dans un fou rire de gosses" raconte Ribes.

A l'occasion du 11e anniversaire de la mort de Topor (le 10e aurait fait vraiment trop esprit de sérieux) et de sa très estimable lutte par le rire, Ribes redonne au Rond-point ces oeuvres avec un duo de professionnels chevronnés (Arditi et Berléand) auquels s'ajoute la comédienne et réalisatrise Tonie Marshall.

Le théâtre du Rond-point malgré la chaleur de l'esprit qui y règne est un lieu très froid qui mange un peu les décors et les atmosphères. Les spectacles, là-bas, ont toujours fort à faire pour lutter contre cette emprise.

Batailles n'échappe pas à la régle et bien que les décors soient parfois assez élaboré, l'ensemble fait assez pauvre.

Restent le texte et les acteurs...

Dès le début,"Qu'est-ce que vous faites Plantin ?
Je scrute..." On ne peut s'empêcher de penser à Beckett et,notamment à celui de fin partie, et la comparaison bien sûr n'est pas à l'avantage de Batailles qui reste un persiflage absurde et brillant mais est bien loin de la profondeur du premier.

Tant de pointures en littérature, sont allées tellement plus avant dans ce registre(Beckett,Ionesco, Pinter même...). Cette musique là, déjà, a été joué et rejouée, dépassée, enfoncée, éclatée, éparpillée...

Si Berléand est sobre, Arditi au départ, qui a un jeu très boulevardier laisse un peu perplexe.

Tonie Marschall est la plus courte. Elle interprète des monologues (plus faible au niveau de l'écriture que les pièces, il faut le reconnaître). Et dans cette exercice extrêmement difficile, elle est bien juste. Sans aucun abattage, avec une pauvre voix blanche, elle endort rapidement son spectateur.

Heureusement, les autres textes sont plus enlevés, on finit par s'habituer au jeu d'Arditi et tout particulièrement dans la dernière partie, anti boulevard burlesque, on rit de bon coeur.

Le spectale se termine au moment où l'on commençait à être chaud et l'on reste un peu sur sa faim; Déjà?

Du rire donc, certes un peu léger et vain, vielli peut-être, mais sans prétention. Le spectacle reste entre le café théâtre et le théâtre mais l'on s'ennuie très peu, c'est tellement rare au théâtre qu'il faut le saluer.

Une mention particulière pour le jeu sobre, humble et finalement très fort de Berléand. On peut donc être une vedette au cinéma et savoir tenir sa place. Bravo...

dimanche 2 mars 2008

There will be blood

Film de Paul Anderson avec Daniel Day-Lewis

Les tribulations d'un foreur de pétrole dans un pays sec, seulement fertile en or noir et supertition.

Film monumental mais dénué d'emphase... On suit la quête acharnée d'un homme aprés la fortune qu'il voit comme un bouclier entre lui et ses semblables. L'ascension d'un personnage à la Howard Hugues vers la vacuité des sommets...

Montage remarquable, les scènes coulent, s'enchaînent les unes aux autres, s'ouvrent comme ces fleurs japonaises en papier, naturellement, sans césures, ni coutures, jusqu'à ce que, petit à petit, l'on lise dans le coeur barbare de cet homme...

Monde sans femme, monde sauvage. Rien ne pousse dans ce désert hormis l'intérêt. La haine vivace traverse les êtres. Pas d'oasis, même la relation père-fils est contaminée, faussée, éviscérée par l'ordre des choses.

Cependant, le capitalisme pavé de mauvaises intentions développe la prospérité. Un pays se construit sur la cupidité et le charlatanisme.

Images splendides, vieillies, sépias, paraissant tirées d'un album de photo de la fin du 19eme. On pense à ces noirs et blancs de la ruée vers l'or, à la guerre de sécession, à ces villes boueuses vites montées, à ces types raides aux moustaches épaisses qui posent devant la porte des saloons...

Ces vestiges immobiles d'un passé pas encore mythifié semblent reprendre vie.

Daniel Day Lewis, traits cripés, silhouette tordue sur fond de ciel enflammé, expressionniste, pousse, pousse son jeu et passe quand même...

Comme dans gang of new york, à mille lieux du réalisme ou du naturel, il réussit un triple saut périlleux, faire une composition théâtrale au cinema.

Le problème, parfois avec ce grand comédien, c'est que l'on a l'impression qu'il joue dans un autre style ou dans un autre film que les autres...

Sa puissance, son humanité, son fanatisme finissent quand même par emporter le morceau. Mais on ne regarde plus que lui.

Alors chef d'oeuvre?

Heu...(On en reparle dans vingt ans)

A voir en tout cas.

dimanche 24 février 2008

Les liens du sang

Réalisé par Jacques Maillot
Avec Guillaume Canet, François Cluzet, Clotilde Hesme...

Deux frères ennemis, un truand, l'autre flic, comment concilier les liens du sang avec l'exercice de leurs métiers respectifs?

L'action se déroule dans les années soixante-dix, est tournée à la manière des années soixante-dix, images mates, bons comédiens, cheveux longs, scènes de familles( repas, disputes), amours, rêves de réussite qui achoppent...

Rien de nouveau sous le soleil donc. C'est une bulle de savon, un film pas assez ancré dans une réalité sociale et culturelle qui soit bien sentie.

De l'intensité sans racines ( à part celles d'un cinéma passé, Sautet, Duvivier...), film plaisant à voir mais oublié sitôt vu.

Cluzet est bien mais à tendance à en faire des caisses.
Canet jamais très passionnant, est là plutôt juste.

La fin est inutilement dramatique.

Du bon franchouillard mais du déjà vu, alors à quoi bon?

samedi 23 février 2008

No country for old man

Réalisé par Joel Coen, Ethan Coen
Avec Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin...

Lu le livre et vu le film à peu près en même temps

Le livre est une espèce de long monologue fait de plusieurs voix...

Le livre est branché sur des fréquences très basses, celle des vibrations intérieures des gens, à un niveau où ils ne se différencient guère les uns des autres, ni même du paysage...

Des histoires se croisent, se superposent et circulent dans le vent...

La mémoire d'un pays.

Le livre n'est pas spécialement drôle, s'il est intéressant, c'est surtout grâce à un personnage de tueur psychopathe et sentencieux : Anton Chugar dont on est même pas sûr qu'il soit un être humain.

C'est lui le vrai fil de l'histoire....

Passons au film, il est très fidèle au roman mais l'éclaire de manière magistrale, d'abord il est extrêmement amusant, les dialogues très écrits, limites pénibles parfois à la lecture à cause de leur résonnance philosophique, machés là par des acteurs superbes prennent une dimension comique irrésistible.

C'est le Texas, nous sommes chez les ploucs, les red-necks, les accents sont nasillards, les gens prennent leur temps pour parler et bouger.

Le début: paysages désertiques de western, très belle lumière, voix off traînante, vieillie, un shériff qui évoque des temps passés, témoigne de son expérience et de son incompréhension face au mal.

Tout de suite, on est pris.

1980, explosion du trafic de drogue, la frontière mexicaine est proche, la démultiplication de l'argent entraîne celle de la violence...

Un chasseur tombe par hasard sur les restes d'un carnage, des trafiquants de drogue se sont entretués au moment d'un deal, il découvre une sacoche pleine de billet et ses ennuis commencent...

Il est poursuivi à la fois par les narco-trafiquants, par les flics et par un psychopathe, sorte d'ange de la mort en brushing, Javier Bardem ( merveilleusement drôle et insolite).

Finalement, de même que la vie, ce récit n'a aucun sens et ne va nulle part, les fils conducteurs nous restent l'un après l'autre dans les mains, des histoires se croisent, s'entrecroisent, se perdent dans le vent, des gens rencontrent leur destin...

La vie est absurde et violente,surtout dans ce pays-là.

Personne ne peut influer sur les évènements...

Le vieux shériff est fatigué, il a peur, le mal est invincible...

Et si le tueur psychopathe était un fantôme?

Encore une réussite des frères Cohen, leur amour des acteurs éclatent une fois de plus dans ce film là. Le jeu des comédiens est savoureux, à la fois sobre et pittoresque, lent et intense.

On déguste.

Tommy Lee jones est impeccable comme d'habitude

Javier Bardem, je l'ai dit est drôle et inquiétant, complétement barré...

Une mention particulière au comédien qui interprète Moss, Josh Brolin, très classe, un laconisme dense, beaucoup de présence, quelque chose de Nick Nolte jeune...

Les frères Cohen aiment leur Amérique des profondeurs. Ils ont réussi l'extraordinaire de faire, tout en même temps, un film très violent et très lent, le rythme du texas...

Un film unique par son mélange de truculence, de poésie, d'humour et de noirceur...

A voir!

Mais aussi à entendre!


Et donc uniquement en VO, sous peine de ne rien comprendre, car ce qui dit est aussi et surtout dans la musique des voix.

mardi 19 février 2008

Première partie

Non ! Il n’irait pas ! Pour rien au monde ! Tout sauf ça ! Plutôt crever !

Et pourtant, il y allait…

La tête du grand vrombissait.

Il se maudissait, cherchait anxieusement en lui de quoi reprendre la main. Mais rien ne solide ne venait.

Il y allait. Il avançait, malgré lui, comme aspiré, vers ce projet délirant.

Il jetait des regards subreptifs au petit qui marchait à ses côtés. Son visage rougeaud était fermé à double tour. La rage énorme qui, à chaque fois montait en lui pendant les coups, durcissait ses traits.

Le grand fourbissait des phrases dans sa tête pour expliquer au petit qu’il voulait tourner les talons. Mais rien ne sortait. Ses pauvres mots semblaient tellement dérisoires face au visage de pierre du petit.

Les étoiles étaient partout autour d’eux. La montagne, comme toujours, était belle. Mais comme toujours, pris par leurs affaires, ni l’un, ni l’autre ne s’en préoccupait. Ils avançaient, faisant rouler des cailloux hors du sentier.

Le grand levait la tête à intervalles réguliers. En haut de la côte, le chalet, immense, brillait comme un vaisseau spatial.

Que faire ?

Jusqu’à présent avec le petit, il avait trouvé sa place, l’autre proposait et lui suivait. Ca marchait bien comme ça. La magie du petit était bonne.

Mais là, c’était trop. Il dépassait les bornes !

Il voulait tuer des gens ! Et pas seulement des gens, des enfants même !

Que faire ?

On ne pouvait pas tuer des enfants et s’en sortir, c’était impossible.

Le grand ne voulait plus suivre le petit.

Tout était chamboulé.

Il voulait changer de place. Il voulait arrêter le petit qui roulait comme un train fou. Il voulait impulser une autre direction. mais il ne savait pas y faire. Il n’y arrivait pas.

Il bruissait de pensées mais il marchait vers le chalet.

Le petit tout à coup s’arrêta, fouilla dans les poches de son gros anorak rouge et en sortit une longue ficelle qu’il tendit à son ami.

Tiens! Toi tu t’occuperas des trois gosses.

Le grand se raidit. Il résista au mouvement qui le poussait à prendre la corde.
.
C’est le plus facile insista le petit.. Et le grand sans comprendre comment eût la ficelle dans les mains.

Le petit reprit la marche, le grand après l’avoir laissé un peu avancer pour marquer une manière d’opposition, le rattrapa à coup de longues enjambées.

Moi je me tape les parents, c’est dix fois plus hard ! fit le petit.

Le grand laissait pendre la ficelle le long de sa cuisse, n’osant ni la jeter, ni la garder.

Le petit s’était décidé pour ce soir. De le contrecarrer allait faire des histoires terribles, il ne se voyait pas du tout affronter des vagues pareilles.

Bon, suivons. Se dit le grand

Il faudrait faire vite car les enfants auraient peur, ils se débattraient avec leurs petites forces, pleureraient, crieraient. Il faudrait qu’il les bâillonne avec sa main. Et puis ensuite…

Il se sentit comme en sueur malgré le vent frais d’avril.

Non, il ne pouvait faire ça !

Il n’avait jamais tué personne. Alors commencer par des enfants, c’était trop difficile. Il adorait les siens en plus. Même que tous ses proches étaient attendris de voir une grande carcasse comme la sienne être un si bon père.

Il s’arrêta brusquement.

Non !

Lui qui ne disait jamais rien, il parlait. Il s’entendit. Il s’étonna. Il allait trop loin. Mais il était trop tard, il ne pouvait plus rentrer ces mots dans sa bouche. D’ailleurs d’autres encore sortaient.

J’y vais pas

Quoi. ?

J’y vais pas !

Qu’est-ce que t’as ?

Je veux pas tuer des gosses !

Mais, c ‘est le plus facile !

C’est trop grave ! On va se faire gauler c’est sûr ! T’es complètement barjot !

Voilà qu’il insultait le petit maintenant !

J’ai tout prévu, j’te dis ! On risque rien !

Tu parles !

Tu préfères rester dans ta merde ! Faire l’esclave tout te ta vie !

Un temps.

Mais putain…

Le petit se radoucit.

Tu vas voir, si on se fait ce coup-là, on sera tranquille ensuite, on sera plein de thunes. T’aimerais pas gâter tes gosses ? Leur payer des études ? Et pis voyager avec ta femme ?

Le grand faiblit. Ce n’était pas ce que le petit disait, mais la gentillesse du ton qui le faisait mollir tout à coup.

Tu vas pas me laisser tomber ?

Que répondre à ça ?

T’es mon pote non ? La voix du petit tremblait légèrement.

Oui…

Allez viens…

Et le petit entourant la taille du grand, d’un geste presque tendre l’entraîna à marcher.

Et le grand à nouveau avança vers le chalet.

Et s’il demandait au petit la permission de prendre les parents plutôt ? Avec le flingue, ça serait peut-être plus simple ?

Y a qu’à appuyer sur un bouton.

Mais le bruit ! Et le sang qui gicle! Et puis les cris et la peur de ces gens ! La mère si souriante, si sympathique….Il la croisait souvent, elle était pas fière, malgré ce que disait la femme du petit.

Cinq personnes en tout! Ca allait faire un tintouin énorme, il y aurait plein de flics partout! Et des coriaces!

Non ! C’était impossible !

Il pensa à ses enfants tranquillement couchés, la respiration profonde, bien au chaud. Ils ne se doutaient pas du danger que courait leur père. Ils ne se doutaient pas qu’ils pouvaient le perdre.

Il les aimait tellement. Il en aurait pleuré s’il avait pu encore.

Il s’arrêta comme un mulet rétif.

Qu’est ce qu’il y a encore ? soupira le petit.

Je rentre.

Mais…

Je rentre !

Et sans attendre de réponse, il tourna les talons. Il entendit le petit arriver, il n’eut pas le temps de se retourner. Le petit le secoua violemment.

Tu fais chier, tu vas tout gâcher connard !

La colère emporta le grand.

Il poussa un grognement, se saisit du petit et le poussa de toutes ses forces.

Un moment, ils furent en équilibre, puis le petit bascula en arrière et tomba d’un bloc sur le sol.

Sa chute, dans la nuit, parut au grand un claquement énorme.

Il s’en trouva glacé.

Pardon fit-il dans sa tête.

Il ne voulait pas avoir le dessus sur le petit, gagner contre lui, lui faire du mal….

Pardon ne dit-il pas.

Il s’avança vers le petit.

Barre-toi !

Le ton du petit qui se relevait en essuyant les manches de l’anorak était très mauvais. Il écarta les jambes et fit face au grand. Sa main ouverte descendait lentement vers son ventre.

Le flingue...

Le grand esquissa un geste d’apaisement.

Un temps.

Des tas de mots encore se bousculaient dans la cage de sa tête. Leur amitié était détruite…Qu’avaient-ils fait ce soir ? C’était foutu irrémédiable, comment revenir en arrière ?

Mais le grand haussa les épaules et rebroussa chemin.

Le petit était capable de lui tirer dessus.

Coupant directement à travers les buissons, laissant son corps dévaler la pente, le cœur affreusement triste, le grand entendit la voix du petit qui hurlait comme un fou.

Flipette !

A côté de lui, il perçut le froissement des feuilles puis le bruit de quelque chose qui heurtait le sol. Le petit le canardait à coup de pierres.

Il courut jusqu’à chez lui comme s’il fuyait un incendie.

Sa femme était au lit mais elle ne dormait pas ou très légèrement, comme toujours quand il n’était pas là. Elle se releva et vint le scruter alors qu’il s’était écroulé tout habillé sur le divan du salon.

Qu’est-ce qui y a ?

On s’est bagarré avec le petit.

Elle ne dit rien et s’assit sur une chaise. Le grand chercha à lire les réactions sur le visage de sa femme pour voir si c’était vraiment aussi grave qu’il le croyait. Il fut assez soulagé de voir qu’elle prenait la chose plutôt placidement.

Il y eut un temps.

Il veut flinguer tout le monde chez le gros maintenant.

Oui, c’est n’importe quoi.

Il voulait le faire ce soir.

Non ?

Sa femme pour le coup parût surprise.

Oh lala !

J’ai refusé ! Je veux pas tuer des gosses !

Le grand fut étonné et fier, de cette résolution, si forte, qu’il entendait dans sa voix. Décidément ce soir, il se découvrait tout autre.

T’as bien fait, il est barjot ce sale type !

Sa femme n’aimait pas le petit.

Il ne faut plus le voir.

De toute façon …commença le grand, avec une nuance de regret.

Il est fou j’te dis.

Brusquement, il se sentit bien avec sa femme qui le comprenait et ses deux enfants couchés bien au chaud. Sa vie de nouveau lui appartenait. Il irait doucement mais sûrement. Il retrouverait un travail. Et ils prospéreraient tous ensemble, au milieu des montagnes, loin du petit et de sa folie.

Il voulut embrasser sa femme.

Mais la sonnerie du téléphone fit voler en éclat tout cela.

Il laissa sa femme répondre.

C’est le petit. Chuchota t-elle affolée, ses yeux bleus ronds comme des billes.

Allons, ils étaient toujours amis. La joie illumina le cœur du grand.

Allo !

On est des cons.

C’est vrai fit-il soulagé d’un poids énorme.

Des vrais cons…

Ils rirent.

Un temps

Puis le petit :

Il faut qu’on reparle du coup.

Oui, fit le grand.

lundi 18 février 2008

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes

Millénium, de Stieg Larsson ,

Premier tome d'un trilogie écrite par un écrivain suédois, mort brusquement à quarante ans d'une crise cardiaque, presqu'au moment où il rendait les livres à son éditeur.

C'est le succès policier du moment.

Un polar bien troussé qui mèle finance, tueurs en série, S.M, nazis et piratage informatique... Un des rares romans que je suis arrivé à finir ces derniers temps.

Intéressant certes mais sans rien de transcendant non plus, nous ne sommes quand même pas dans Strindberg.

Le personnage principal avec sa belle quarantaine sa coolerie toute nordique, sa droiture, son goût de l'amour libre, sa relation aux femmes politiquement correcte, sa pugnacité et sa sagacité... est un peu trop lisse, un peu trop chevalier blanc...

C'est un S.A.S de gauche.

Ideal du moi de l'auteur?

Heureusement que sa collaboratrice dans l'enquête, marginale, gothique, tatouée, sorte d'autiste surdouée, est un personnage que l'on suit toujours avec intérêt.

Les gens trop bien intégrés fatiguent vite dans la fiction.

Il y a finalement dans cette histoire, malgré ses indéniables aspects sombres, un côté "Club des cinq", un ton très blytonnien. Peut-être est-ce du au fait que le principal de l'action se déroule sur une île? Que les méchants comme les bons prendront à la fin exactement la place qui leur revient, comme des pièces dans un puzzle. Le nord aime l'ordre sans doute...

Tout cela reste pétri de bons sentiments, l'on plaide pour un capitalisme à visage humain, le fameux compromis socio-libéral du nord, la psychologie est sommaire, mis à part, répétons-le, celle de la jeune assitante qui vaut le déplacement...

Pourtant, malgré son épaisseur, ses quelques lenteurs, sa bonne santé morale, on ne lâche pas ce livre jusqu'au dénouement.

Il y a là, largement de quoi conseiller sa lecture, même si pour ma part, cela a été insuffisant pour que j'achète les deux autres tomes.

samedi 16 février 2008

Funny Games

De Michael Haneke

Bien entendu ces jeux n'ont rien d'amusant, ils sont absolument atroces. C'est un film qui laisse perplexe tant il est malsain et difficilement supportable.

On commence par suivre, une famille de bobo, un peu crispante, avec sa façade culturée, sa sociabilité suave et son niveau de vie conséquent... Ils vont en villégiature...

Un cadre magnifique, grand lac, vertes forêts, la Bavière?

Puis viennent deux jeunes gens très polis, aux allures de vacanciers, issus à coup sûr du même milieu mais qui se révéleront être des criminels de la pire espèce, des tueurs qui vont les massacrer sans aucune autre raison que le plaisir qu'ils semblent y prendre.

C'est à peine soutenable et pourtant rien n'est gore dans le traitement, les scènes de violence sont plus suggérées que montrées. Les assassinats se passent souvent hors champ....

L'horrible ici vient de ce que l'on sent, que l'on sait qu'aucun des codes hollywoodiens ne sera respecté, les méchants punis, les innocents sauvés, mais que tout peut arriver, même et surtout le pire...

Ainsi la menace qui pèse sur le petit garçon de la famille est intolérable...

La situation est affreuse à cause de la tension psychologique crée par la gratuité de cette agression mais aussi par sa montée en puissance. A partir d'une banale et triviale affaire d'oeuf, l'on débouche peu à peu, inéductablement, sans rien pouvoir freiner, dans le monstrueux.

L'on comprend qu'à cause de leur futilité de leur mobile les agresseurs sont sans limites,sont hors de toute rationalité, de toute empathie...

Rien ne peut les atteindre, aucun argument, aucune supplication, ils iront au bout de leur projet...

Si la pauvre famille est dans le tragique, les agresseurs eux s'amusent. Ils jouent au chat et à la souris avec leurs victimes... Alternant pression et moment de relâchement, prenant la situation comme un jeu, saupoudrant leurs actes criminels d'un persiflage permanent, d'un commentaire amusé de présentateur télévisé qui en renforce l'horreur.

Sont-ils dans la réalité,sont-ils dans la fiction???

L'un des jeunes criminels adressent souvent des coups d'oeil de connivence à la caméra, revient même en arrière dans le temps quand la tournure des évènements lui déplait...

Visiblement et il le dit lui-même fiction et réalité, c'est la même chose...

S'agit-il de ces jeunes gens dénaturés par les médias et les jeux videos, qui ne font plus la différence entre le monde virtuel et le réel ou s'agit-il de dénoncer le sadisme policé mais extrêmement violent de la télévision ou l'autre souvent n'est qu'un objet?

Un monde où le regard de la caméra à force de scruter les êtres les réifie

Banal et assez peu intéressant....

S'agit-il plutôt de rendre compte du mystère de la folie criminelle qui peut parfois, se déclencher sans signes avant-coureur, sans déterminisme social, sans rien qui puisse l'expliquer?

L'on pense à tous ces jeunes gens qui se sont mis à mitrailler leurs camarades dans les universités américaines, l'on pense même au nazisme avec ses bourreaux si cultivés qui jouaient du Bach à côté des chambres à gaz.

Dans le fond, peu importe, l'on garde de ce film une impression puissante et persistante de malaise...

Est-ce un bon film? Je n'en sais trop rien, il est en tout cas intéressant par sa radicalité, par son refus des concessions et de la facilité, par la violence extrême de son propos et par sa forme qui toujours sait rester sobre.

A voir donc (un jour où l'on est en forme, bien sûr)...

Deer hunter


J'ai choisi le titre anglais non pas par snobisme mais parceque le titre français "Voyage au bout de l'enfer" est vraiment trop racoleur, avec son espèce de référence à la fois à Lf Céline avec lequel évidemment il n'a rien à voir et également aux films de guerre de série B avec lesquels il n'a pas plus de rapport.

Les distributeurs français misent sur le sadisme des spectateurs...

"Deer Hunter" par contre fait penser aux romans de Feminore Cooper avec ses coureurs des bois et toute la mystique du lien à la nature. Il y a une dimension spirituelle et méditative, complétement absente du titre français.

Cette adaptation grossière évoque un autre chef d'oeuvre américain dont la tonalité romantique du titre avait été saboté :" La poursuite infernale" de John Ford , tellement loin de l'original: "My darling clementine" qui est d'une douceur paraxodale et bien intriguante quand on songe que l'histoire raconte le fameux combat d'OK Corral avec Wyatt Earp et ses frères. Le cinéma de Ford est d'ailleurs tout sauf violent, il s'intéresse aux femmes, à l'amour, aux gens ordinaires, à l'avancée de la civilisation sur la sauvagerie mais aussi à la mélancolie qui accompagne la disparition du vieil ouest...

Mais revenons à Deer Hunter et essayons d'éviter les hyperboles. Cela va être difficile...

1978. C'est le film de ma génération, avec ceux de mon âge, on s'est rejoué, raconté des dizaines de fois les scènes phares, le mariage et le mauvais présage de la tâche de vin, les chaussures que De Niro refuse de prêter lors de la chasse, la roulette russe...

Les comédiens sont en plein dans leur mugnificience: De niro mystèrieux, classe et sobre, si loin de ses grimaces actuelles, était encore légendaire, Walken si étonnant avec sa jeunesse, son mélange de dureté et de féminité, Cazale merveilleux dans le rôle du con de service- Ce fut son dernier film, marié ou en tout cas en couple avec Meryl streep, il était déjà très malade, atteint par le cancer des os qui allait l'emporter- Meryl à l'époque juste aperçue dans Holocoste est belle, gauche, émouvante, toute en sensiblité et nuances, Savage fragile et écorché ( qui aura là sans doute le rôle de sa carrière et qui ne tiendra pas toutes les promesses qu'il laissait entrevoir dans ce film).

L'alchimie mystérieuse,talent, âge des comédiens, époque, scénario, metteur en scène, chance, que sais-je encore?... fait que la sauce prend et que le spectacle est admirable. En même temps qu'un sommet, et cela ne lui donne finalement que plus de valeur, ce film est un adieu, Cimino après cela n'atteindra plus jamais un tel niveau ( bien que l'année du dragon reste largement honorable ). Un chef d'oeuvre est toujours un miracle, il faut que quelque chose d'extérieur y mette du sien.

Petite ville de Pennsylvanie, le coeur ardent des aciéries, trois ouvriers d'origine slaves vont partir au Vietnam et pour certains parfois oublier qui ils sont. Car finalement c'est un film sur l'identité, être américain (être humain), c'est quoi? c'est venir de quelque part et s'en souvenir. Si l'on perds de vue, cet ancrage, l'on meurt.

Un leader naturel,De Niro, émergera des tragiques évènements et ramènera les brebis égarées, vivantes ou mortes,sur le sol natal, au milieu de leur communauté, là où elles reprendront la place et le sens qui leur reviennent.

C'est un film très violent pour ses scènes de guerre, qui d'ailleurs n'ont rien de réalistes et tiennent plus de l'allégorie. Centrées sur le thème de la roulette russe, elles figurent la guerre où l'on joue sa vie sur la table du hasard. C'est une sorte de jeu affreux mais exaltant que certains ensuite ne peuvent s'empêcher ensuite de rejouer incessamment, misant à chaque fois un peu plus de leur vie.

Au milieu de toute cette sauvagerie, il y a une grande délicatesse de sentiments, ces gens sont rudes mais extrêmements timides, ces jeunes qui partent à la guerre sont pour la plupart vierges. Les sentiments passent par les regards, les attitudes... Les personnages de Walken et Streep qui c'est évident sont attirés l'un par l'autre, ne finiront par s'embrasser que lorsque Walken dans un grand élan de courage lui demandera tout à trac de l'épouser ce qu'elle acceptera ( ce que la bouche le dit le coeur le pense )...Passage merveilleux qui sera finalement le seul moment d'amour que connaîtra ce pauvre jeune homme.

Quant à De niro, courageux, d'une classe supérieure aux autres, mais sauvage, violemment timide, incapable de communiquer ses sentiments, il est effrayé par les femmes et quand il est au lit pour la première fois avec Meryl streep, il ne trouve pas d'autre recours que de faire semblant de dormir.... L'amour lui est plus difficile que la guerre...

C'est la vie des petites gens et le courage insensé qu'il faut pour exister et tenir ensemble... A voir, voir,voir,voir et revoir.... Le film se bonifie à chaque vision...