lundi 9 mai 2011

Ecrire, rêver, mourir peut-être


J'écris pour dire que je n'écris pas. Et comme je n'écris pas, je continue de penser que je vais écrire.

Pour écrire, il faut écrire. Pour ne plus écrire, il faut écrire.

Si on se contente de s'exciter avec l'idée d'écrire un jour, on peut se croire écrivain. Et vivre au dessus de ses moyens, à crédit, en se nourrissant de cette identité supposée, voire usurpée.

Mais on n'écrit pas

Et pour peu que la nature nous ait pourvu de capacités susceptibles de se développer, de chauffer jusqu'à ce point de fusion qu'est l'écriture, on ne progresse pas, on ne se trouve pas. La question du talent reste une question (douloureuse comme toutes les questions) mais peut s'élucider par l'écriture.

Écrire, c'est du travail, Il faut écrire pour écrire. Il faut écrire pour mieux écrire. Il faut écrire pour se connaître.

C'est en forgeant que l'on devient forgeron ou que l'on arrête de penser que l'on en est un en puissance.

Je me contente de penser que je vais écrire. Je n'écris pas (ou si peu) et donc je ne renonce pas à écrire.

Écrire c'est rêver. Cela procède du même niveau de conscience ou d'inconscience. On se réapproprie un moi premier. Un moi liquide, sans entraves, sans limite, capable de concevoir des cathédrales ou des sagas (j'exagère disons une situation humaine qui se tient, avec un passé, des problématiques et des perspectives...) en moins d'une seconde. Il ne s'agirait ensuite que de recopier. Ce je des rêves est vraiment un autre.

Cela évidemment ne se commande pas, la clef tombe du ciel ou de quelque repli indéterminé de l'esprit ou ne tombe jamais. On peut cependant frôler cet espace aqueux de liberté et de puissance quand au moment de s'endormir, on rêve un empire (encore de l'exagération) en un fulgurant dixième et que l'on parvient à se réveiller pour s'étonner de la sophistication de ce monde (ou plutôt de ce microcosme) surgi tout armé de notre crâne.

En attendant, il faut donc écrire pour qu'un jour le rêve nous emmène à l'écriture ou que l'écriture nous emmène à l'arrêt du rêve de l'écriture.

Il faut, il faut...

Et pourquoi donc?


jeudi 17 mars 2011

FIGHTER

Fighter, film entraînant, comme une bonne musique, généreux plein de vie et de fureur, traversé par la chaleur, les criailleries ,la cruauté et la folie hystérique de la famille. c'est un film sur la rédemption (oui, oui thème battu, rebattu, redébattu, quatre milliards de fois notamment autour la boxe ).

Quel est l'intérêt? La générosité du film, cette bande son moelleuse, la force des acteurs, Christian Bale une fois de plus est génial, mark walbergmachintruc est certes monolithique comme d'habitude mais pour une fois cela va bien au personnage.

Il a en tout cas, assez souvent, l'intelligence de choisir bien ses films

Il y a dans Fighter du sentiment, de l'émotion, de la violence, l'envie animale de s'en sortir, d'exister pour, par, et aussi contre son milieu.

A la fin de tout cela, malgré tout cette fureur, il y a un happy end. Un miracle. C'est heureux mais c'est dommage. Les conflits de loyauté irrésolubles, choisir entre sa femme, sa réalisation personnelle et sa famille finissent contre toute attente par s'apaiser et les différents camps par marcher ensemble pour porter au triomphe, le boxeur. Si la fibre empathique qui vibre en chacun de nous est satisfaite. Notre lucidité proteste.

On a vécu, on a payé pour voir. On sait que les gens restent comme ils sont, que les familles ne changent pas, que certains conflits restent irréductibles et que logiquement cette histoire aurait du foirer et l'on se dit qu'en évitant le côté tragique, on a peut-être enlevé de la transcendance à ce qui aurait pu être un grand film et qui ne reste finalement qu'un film sympa.

On est jamais content, c'est vrai. Mais si nos cœurs sont emplis de rayons, ils ont besoin de se représenter l'inéluctable pour se gonfler et flotter au dessus de la ligne de l'horizon. Là où commence la poésie.

mercredi 19 janvier 2011

vélo brinquebalant
glissant le long de la seine verte
52 ans et quelques dents
pas de cancer au pancreas
mais le souffle un peu court pour monter les côtes
et cueillir les fruits du monde
les rêves la nuit sont récurrents
ils s'obstinent à jouer et rejouer sans cesse
l'alpha le commencement
l'avenir est une orangeraie à perte de vue
mais filent les années
poussent le ventre
la résignation
les rêves s'obstinent
irréductibles comme la jeunesse des êtres
ils reviennent à la croisée des chemins
sans cesse sur le lieu du crime
la douleur assagie
le nez dans le guidon
le vélo dévale la pente
le long des berges de la seine
vers le soir qui descend

jeudi 11 novembre 2010

Michel Houellebecq a son Goncourt






















Polémiquons! C'est bon pour le blog ça coco!

Je préviens les lecteurs (enfin Le lecteur, maman quoi... Restons réaliste quant à la fréquentation de ce blog) que je vais aller très loin dans la dénonciation!

Je trouve que le livre de Michel Houellebecq :" La carte et le territoire" est très mauvais.( Voilà, c'est dit. Quel pavé dans la mare! Hein maman?)

Pourtant, je n'ai jamais partagé la haine virulente, nourrie à la fois par l'immensité de son tirage mais également par la franchise avec laquelle il revendiquait sa misère sexuelle et son rang de français moyen bien réac qui dévorait une grande partie de la critique. Il avait le radicalisme, l'humour et le désespoir de quelqu'un qui a connu le vraie vie: le travail surtout (qui parmi les écrivains a éprouvé les mornes affres du salariat?) et qui s'en était arraché. Michel Houellebecq parlait de la vraie vie! Évènement exceptionnel dans ce qu'on hésite encore à appeler la littérature française, plutôt préoccupée des tourments amoureux que l'on peut ressentir en déambulant dans le 6ème arrondissement, entre la salle de rédaction, le bureau de directeur de collection et les dîners en ville.

En tout cas la posture de Michel Houellebecq, son courage, son humour, son ton original, son authenticité lors de ses interventions dans les médias laissaient espérer qu'enfin la littérature en France trouvait une nouvelle incarnation.

Et puis livre après livre,(en fait dès le deuxième) j'ai été déçu. J'ai trouvé dans le dernier ce que j'avais déjà vu dans le précédent. J'avais compris le propos, j'attendais du nouveau. Mais Michel Houellebecq avait donné sa mesure, il était déjà au maximum. Il ne pouvait que se répéter or un écrivain qui n'avance pas, semblable en cela au vélo de Mao, tombe.

Je l'ai donc abandonné après Les particules élémentaires, ne me scandalisant pas pour autant des nombreuses polémiques qu'avec sa franchise décidément incorrecte, il avait pu soulever entre temps....

J'avais beaucoup apprécié cependant d'un strict point de vue littéraire , l'invective qu'il avait concocté (dans Plateforme je crois) pour désigner une femme entre deux âges, aux aspirations new -âge : "Pétasse cosmique". L'alliance des deux termes étant tout à fait surprenante et drôle.

Je m'apprêtais donc à ne pas lire son dernier opus, quand le choeur des critiques dans un ensemble touchant s'est élevé pour le célébrer, parlant d'un chef d'oeuvre d'humour (ils dégainent vite le mot chef d'oeuvre) et en tout cas du meilleur Houellebecq. Le livre apaisé d'un Houellebecq mature, réalisé. Un ouvrage débarrassé des scories du mauvais esprit, où l'on décrirait l'époque avec un désespoir lucide où certes l'on brocarderait mais où l'on n'insulterait pas. Michel Houellebecq dans ce roman, pousserait même la complaisance dans l'humilité retrouvée ou dans le repentir jusqu'à se faire assassiner (Ce sacrifice que beaucoup souhaitaient étant enfin accompli, même sur le seul plan symbolique, la place était libre pour l'amour).

Malgré le fait que j'aime le mauvais esprit, que je n'aime plus Michel Houellebecq, j'ai acheté "la carte et le territoire" car comme tout le monde, je suis influençable et comme tout bon croyant en la littérature, j'espère toujours la venue du messie. Je me suis dis que cette fois-ci, peut être, la promesse s'était faite oeuvre.

Las, j'ai éprouvé dès le début devant ce style plat, pauvre, dépéri, malade de l'intérieur (semblable à l'asthénie du dépressif et à son ralentissement cognitif) un ennui et un cafard profond. Clichés aidants, je croyais parfois lire du Gérard de Villiers ou autre brigade mondaine. Bien que je me sois bourré de Lexomil, je devais faire des effort pour arriver au bout de chaque page, l'effort étant bien entendu antinomique avec la lecture. Le personnage principal, figure grise et taciturne, dénué d'affect, androïde détaché, indifférent à la fulgurance de son succès accentuait ce côté déprimant car comme souvent pour les personnages de Houellebecq, il était à la fois peu vivant, plaqué et également très proche de son créateur dans sa manière de voir les choses.

Et puis voilà qu'en plus Michel Houellecbecq arrive en personne dans le livre. C'en est trop de narcissisme car si la tentative est faite pour le combattre, elle ne fait que le renforcer. A chaque moment donc on est collé à Michel Houellecbecq et même quand il se met pas en scène, il est présent. A chaque page, derrière chaque analyse, derrière chaque description, chaque pérégrination des personnages, chaque name-dropping, on voit le Michel Houellebecq, son fume cigarette, sa tête de cocker triste et ses efforts scolaires et vains pour parler à son époque et écrire Le livre. On reste pesamment au sol. On ne lit pas un roman, on souffre avec Houellecbecq dans sa tentative pour en écrire un.

Ce livre n'est pas traversé, unifié par un souffle qui ferait de lui un objet artistique, il est épars, sans existence propre.

Il y a quand même quelques envolées réussies, notamment sur l'optimisme qui présidait à la technologie dans les années soixante en particulier pour les voyages en avion... Cela n'a pas empêché, qu'arrivé au tiers du roman, je l'ai abandonné au pied de mon lit et qu'il y repose depuis.

Michel Houellecbecq a enfin eu le Goncourt, "enfin" parce que l'on le veuille ou non, c'est un écrivain qui compte, je dirai plutôt qu'il a failli compter. Le Goncourt en l'occurrence, est comme les terriens qui reçoivent la lumière de certaines étoiles alors qu'elles sont déjà mortes. Mais peu importe, le Goncourt. La littérature est ailleurs. Où ça ? Pas en France. Elle reviendra. Comme dit Cittati, elle fait jachère, elle se repose.

samedi 6 novembre 2010

The Social Network de David Fincher




















Vu le film et lu le livre (la revanche d'un solitaire) à la suite. Ce qui a suscité la seconde action est bien sûr la première car habituellement j'ai peu de goût pour "les success story", comme ils disent au journal télévisé. D'autant plus quand le protagoniste est un puceau blafard à la Bill Gates. Mais si le livre est bien écrit, ce film est ce que j'ai vu de mieux depuis très longtemps. Brillantissime! Dense, riche et exaltant dans sa forme. La bande son techno créée par Trent Reznor et Atticus Ross est superbe et rythme de manière hypnotique cette histoire soulignant sa modernité mais aussi sa matière émotionnelle.

Les dialogues filent comme l'éclair, figurant ainsi la vitesse de la pensée des personnages. Ils sont parfois abscons faisant allusion à des choses énigmatiques pour les petits français, comme les finals clubs, ces cercles d'étudiants très fermés qui ne recrutent que par coptation. De plus Mark Zuckerberg ou du moins son personnage ne répond pas toujours immédiatement à la question posée mais plusieurs répliques plus tard. On se demande donc assez souvent mais de quoi parlent-ils? Sans que cela d'ailleurs n'enlève aucun intérêt au film, bien au contraire. Aucun effort pédagogique n'étant fait pour nous rendre l'univers de Harvard plus lisible, il nous apparait ainsi sous un jour presque crypté pour rejoindre le vocabulaire informatique et surtout totalement exotique. Et paradoxalement, plus nous nous sommes dépaysés plus le film est confortable. Nous voyageons.

L'avenir va se révéler au sein de ce lieu pétri de traditions ou semblant tel. Car les régles de gentlemen n'engagent que ceux qui y croient. La vie est un combat sans pitié et des jumeaux WASP à qui tout est donné vont devoir le découvrir. Si Zuckerberg amasse une fortune colossale, eux perdent leur innocence de nantis.

Pas de manichéisme, aucun camp n'est plus sympathique ni antipathique que l'autre. A qui appartient une idée? A celui qui la concrétise, qui lui donne toute son ampleur, qui en perd le boire et le manger ? Ou à celui qui l'émet?

Et si elle n'appartenait à personne, si elle flottait dans l'air, et s'il suffisait d'être le premier à s'en saisir pour ensuite se laisser porter par le courant? Comment la seule volonté pourrait-elle présider une telle réussite?

Un autiste crée le plus grand réseau social virtuel du monde, l'ironie est belle. En tout cas comme une star du rock'n roll (ce film est rock n' roll), il devient célèbre parcequ'il veut séduire les filles. Mais il ne connait que des histoires sans lendemain. S'il a quelques amis, ils ne résistent pas au succès à l'argent," à la première division"... Et il se retrouve seul assis sur un tas de millards.

Alors le film de manière très humaine, reprends là où il a commencé, comment rompre sa solitude?


Pauline Kael,chroniques américaines


Bien que la vocation de ce blog ne soit certes pas didactique, quelques mots rapides sur Pauline Kael ou sur le peu que j'en sais. Grande critique américaine de cinéma, morte en 2001, elle a accompagné, voire encouragé, le nouvel Hollywood. Elle avait une telle influence que certains critiques qui se réclamaient de son obédience étaient appelés Kaellistes ou kaelliens, mais en tout pas pas Raelliens. Un choix de ses textes vient d'être publié en deux volumes: Chroniques américaines et Chroniques européennes.

Je n'ai pas acheté les chroniques européennes. Si j'aime assez le cinéma français, quand il est aimable , c'est plutôt le cinéma américain qui m'a construit. Celui qui correspond le mieux à mes attentes quant à l'équilibre qui naît du conflit entre spectacle et oeuvre. Le cinéma français m'a toujours un peu emmerdé avec ses prétentions artistiques, tout particulièrement la nouvelle vague. L'innocence est ailleurs.

Tout cela évidemment mériterait bien davantage de nuances, sauvons "bande à part", "la femme d'à côté " etc... Mais dans l'ensemble je suis d'accord avec moi-même.

De plus l'admiration qu'éprouve le cinéma américain du nouvel hollywood pour Godard et consort, m'a toujours parut naïve, comme si le besoin de liberté sexuelle, le vent de l'époque lui faisait oublier sa propre identité culturelle. D'ailleurs les films américains les plus surestimés des années 70 sont ceux qui empruntent le plus à l'Europe, Bonnie et Clyde, la dernière séance, l'horripilante intégrale de Cassavetes....

Voilà donc pourquoi j'ai répondu à mon libraire barbu, un grand type assez jeune (que pour des raisons qui m'échappent en partie, je n'aime pas beaucoup )que je ne n'achetais que les chroniques américaines.

Ouvrage très plaisant à lire. Première surprise, la longueur des critiques, elles s'étalent souvent sur plusieurs longues pages, Pauline Kael raconte sans aucun scrupule pour le spectateur le film dans tous ses détails. Il était sans doute préférable de ne lire Pauline qu'après la séance si on voulait voir le monde avec ses propres yeux et éviter la kaellisation.

Elle ne se trompe pas beaucoup; à part quand même pour Bonnie and clyde, pour Altman sur lequel elle fait des caisses et pour Shampoo dont plus personne ne se souvient...

Elle saisit tout de suite l'importance et l'ampleur du Parrain, son classicisme d'oeuvre intemporelle. Elle reconnait en Scorcese un grand réalisateur dès Mean Street, relève son énergie, cette violence qui en dehors des codes habituels frappe sans prévenir. Elle est frappée par le rayonnement, l'intensité et le grâce de Niro. Mais comment faire autrement avec le De Niro de ce temps là?

Elle est très attentive à la place des femmes et fait remarquer assez justement que Mery Streep n'a pratiquement pas de texte dans Deer Hunter et que c'est un miracle de talent de délicatesse et beauté si sa performance est inoubliable.

Néanmoins, de mon point de vue, elle se trompe quand elle juge que dans ce film, il n'est pas possible de comprendre les sentiments qui circulent entre Streep, Walken et De Niro. Erreur totale, rien n'est plus humain. On voit très bien que Meryl préfère Walken à De Niro et que les deux sont amoureux d'elle. Rien d'étonnant donc à ce que Meryl Streep, alors que Walken est porté disparu, fasse l'amour avec De Niro à son retour de la guerre. Il l'aime et elle veut échapper à la tristesse. Elle pense qu'ils seront moins seuls s'ils mêlent leurs solitudes.

Pauline ne voit pas non plus que le réactionnaire du propos est tempéré admirablement par le fait que cette communauté de Pensylvanie, a des rites et une culture slave, et qu'être américain c'est cela, c'est être de ce pays et d'un autre. Je pense à la réplique simple et magnifique de Walken au médecin qui lui demande si son nom aux consonnances étrangères est russe :"Non c'est américain."

Pauline ne comprends pas du tout la réserve, l'apparente froideur de De Niro au lit avec Streep. Ce sont des garçons vierges, des hommes marqués par la guerre. Il leur faut du temps pour trouver leur marque avec l'amour. Pauline n'a pas fait le Vietnam et cela se sent. Moi non plus d'ailleurs, mais sans doute que je comprends mieux mes congénères masculin.

Peu importe d'ailleurs, ces points de détails, elle saisit parfaitement l'importance du film même si elle en condamne certains aspects peu compatibles avec les idéaux des années soixante.

Chroniques américaines est à lire pour continuer la méditation sur le cinéma et pour retrouver un peu de sa jeunesse restée, quelque part entre les années soixante-dix et quatre-vingt.

samedi 30 octobre 2010

Avant la naissance, il s'en souvenait, il flottait quelque part dans un brouillard chaud et suave comme une barbe à papa. Il était... Oui il était. Il était comme liquide, sans tension aucune. Des voix douces lui parlaient. Enfin, elles ne lui parlaient pas exactement selon l'acceptation que l'on donne habituellement à ce terme mais elle l'entouraient en permanence et faisait parvenir des messages à sa conscience. Oui, à sa conscience.

Il n'était pas obligé de vivre. Il pouvait rester dans l'indéterminé. C'était ce qu'elles disaient. Les voix qui d'ailleurs n'étaient pas des voix mais des sortes de vibrations n'employaient pas précisément ces mots bien sûr, d'ailleurs elles n'utilisaient pas de mots, mais le sens était là. Il n'était pas obligé de naître.

Et lui, il s'en souvenait, naïvement, enivré sans doute par cette ambiance harmonieuse et tendre, il insistait. Il voulait y aller. Il connaissait les enjeux pourtant. Les voix les lui avaient expliqué. Il pouvait connaître une incarnation terrible, écoper d'un corps malade, difforme, incomplet, ou bien échouer dans un endroit où le mieux qu'il pourrait faire malgré des efforts surhumains serait de survivre. La souffrance là-bas était une certitude mais il pouvait y avoir des différences colossales de degré. C'était un risque énorme que de vivre. Mais s'il pouvait l'entendre, il ne le croyait pas véritablement ou du moins il pensait qu'il aurait un sort différent, il le sentait, il croyait en sa chance. Quelque chose d'exceptionnel l'attendait. C'était rigolo de jouer quand l'espace devant vous fourmillait de possibles. Pourquoi aurait-il un destin tordu alors tout autour de lui était si doux et que tout devant lui était à écrire? Il sentait l'avenir palpiter, lui faire signe.

Il pris sa décision dans la douceur et ne fut plus dans la douceur, il franchit ce qui le séparait de la vie en dévalant un espèce de toboggan. Il y eût de la lumière et de la peur au bout et puis curieusement l'oubli courut sur quelques années.

Deux, trois, sans doute....

Quel était donc son premier souvenir d'ici bas?