jeudi 11 novembre 2010

Michel Houellebecq a son Goncourt






















Polémiquons! C'est bon pour le blog ça coco!

Je préviens les lecteurs (enfin Le lecteur, maman quoi... Restons réaliste quant à la fréquentation de ce blog) que je vais aller très loin dans la dénonciation!

Je trouve que le livre de Michel Houellebecq :" La carte et le territoire" est très mauvais.( Voilà, c'est dit. Quel pavé dans la mare! Hein maman?)

Pourtant, je n'ai jamais partagé la haine virulente, nourrie à la fois par l'immensité de son tirage mais également par la franchise avec laquelle il revendiquait sa misère sexuelle et son rang de français moyen bien réac qui dévorait une grande partie de la critique. Il avait le radicalisme, l'humour et le désespoir de quelqu'un qui a connu le vraie vie: le travail surtout (qui parmi les écrivains a éprouvé les mornes affres du salariat?) et qui s'en était arraché. Michel Houellebecq parlait de la vraie vie! Évènement exceptionnel dans ce qu'on hésite encore à appeler la littérature française, plutôt préoccupée des tourments amoureux que l'on peut ressentir en déambulant dans le 6ème arrondissement, entre la salle de rédaction, le bureau de directeur de collection et les dîners en ville.

En tout cas la posture de Michel Houellebecq, son courage, son humour, son ton original, son authenticité lors de ses interventions dans les médias laissaient espérer qu'enfin la littérature en France trouvait une nouvelle incarnation.

Et puis livre après livre,(en fait dès le deuxième) j'ai été déçu. J'ai trouvé dans le dernier ce que j'avais déjà vu dans le précédent. J'avais compris le propos, j'attendais du nouveau. Mais Michel Houellebecq avait donné sa mesure, il était déjà au maximum. Il ne pouvait que se répéter or un écrivain qui n'avance pas, semblable en cela au vélo de Mao, tombe.

Je l'ai donc abandonné après Les particules élémentaires, ne me scandalisant pas pour autant des nombreuses polémiques qu'avec sa franchise décidément incorrecte, il avait pu soulever entre temps....

J'avais beaucoup apprécié cependant d'un strict point de vue littéraire , l'invective qu'il avait concocté (dans Plateforme je crois) pour désigner une femme entre deux âges, aux aspirations new -âge : "Pétasse cosmique". L'alliance des deux termes étant tout à fait surprenante et drôle.

Je m'apprêtais donc à ne pas lire son dernier opus, quand le choeur des critiques dans un ensemble touchant s'est élevé pour le célébrer, parlant d'un chef d'oeuvre d'humour (ils dégainent vite le mot chef d'oeuvre) et en tout cas du meilleur Houellebecq. Le livre apaisé d'un Houellebecq mature, réalisé. Un ouvrage débarrassé des scories du mauvais esprit, où l'on décrirait l'époque avec un désespoir lucide où certes l'on brocarderait mais où l'on n'insulterait pas. Michel Houellebecq dans ce roman, pousserait même la complaisance dans l'humilité retrouvée ou dans le repentir jusqu'à se faire assassiner (Ce sacrifice que beaucoup souhaitaient étant enfin accompli, même sur le seul plan symbolique, la place était libre pour l'amour).

Malgré le fait que j'aime le mauvais esprit, que je n'aime plus Michel Houellebecq, j'ai acheté "la carte et le territoire" car comme tout le monde, je suis influençable et comme tout bon croyant en la littérature, j'espère toujours la venue du messie. Je me suis dis que cette fois-ci, peut être, la promesse s'était faite oeuvre.

Las, j'ai éprouvé dès le début devant ce style plat, pauvre, dépéri, malade de l'intérieur (semblable à l'asthénie du dépressif et à son ralentissement cognitif) un ennui et un cafard profond. Clichés aidants, je croyais parfois lire du Gérard de Villiers ou autre brigade mondaine. Bien que je me sois bourré de Lexomil, je devais faire des effort pour arriver au bout de chaque page, l'effort étant bien entendu antinomique avec la lecture. Le personnage principal, figure grise et taciturne, dénué d'affect, androïde détaché, indifférent à la fulgurance de son succès accentuait ce côté déprimant car comme souvent pour les personnages de Houellebecq, il était à la fois peu vivant, plaqué et également très proche de son créateur dans sa manière de voir les choses.

Et puis voilà qu'en plus Michel Houellecbecq arrive en personne dans le livre. C'en est trop de narcissisme car si la tentative est faite pour le combattre, elle ne fait que le renforcer. A chaque moment donc on est collé à Michel Houellecbecq et même quand il se met pas en scène, il est présent. A chaque page, derrière chaque analyse, derrière chaque description, chaque pérégrination des personnages, chaque name-dropping, on voit le Michel Houellebecq, son fume cigarette, sa tête de cocker triste et ses efforts scolaires et vains pour parler à son époque et écrire Le livre. On reste pesamment au sol. On ne lit pas un roman, on souffre avec Houellecbecq dans sa tentative pour en écrire un.

Ce livre n'est pas traversé, unifié par un souffle qui ferait de lui un objet artistique, il est épars, sans existence propre.

Il y a quand même quelques envolées réussies, notamment sur l'optimisme qui présidait à la technologie dans les années soixante en particulier pour les voyages en avion... Cela n'a pas empêché, qu'arrivé au tiers du roman, je l'ai abandonné au pied de mon lit et qu'il y repose depuis.

Michel Houellecbecq a enfin eu le Goncourt, "enfin" parce que l'on le veuille ou non, c'est un écrivain qui compte, je dirai plutôt qu'il a failli compter. Le Goncourt en l'occurrence, est comme les terriens qui reçoivent la lumière de certaines étoiles alors qu'elles sont déjà mortes. Mais peu importe, le Goncourt. La littérature est ailleurs. Où ça ? Pas en France. Elle reviendra. Comme dit Cittati, elle fait jachère, elle se repose.