samedi 6 novembre 2010

Pauline Kael,chroniques américaines


Bien que la vocation de ce blog ne soit certes pas didactique, quelques mots rapides sur Pauline Kael ou sur le peu que j'en sais. Grande critique américaine de cinéma, morte en 2001, elle a accompagné, voire encouragé, le nouvel Hollywood. Elle avait une telle influence que certains critiques qui se réclamaient de son obédience étaient appelés Kaellistes ou kaelliens, mais en tout pas pas Raelliens. Un choix de ses textes vient d'être publié en deux volumes: Chroniques américaines et Chroniques européennes.

Je n'ai pas acheté les chroniques européennes. Si j'aime assez le cinéma français, quand il est aimable , c'est plutôt le cinéma américain qui m'a construit. Celui qui correspond le mieux à mes attentes quant à l'équilibre qui naît du conflit entre spectacle et oeuvre. Le cinéma français m'a toujours un peu emmerdé avec ses prétentions artistiques, tout particulièrement la nouvelle vague. L'innocence est ailleurs.

Tout cela évidemment mériterait bien davantage de nuances, sauvons "bande à part", "la femme d'à côté " etc... Mais dans l'ensemble je suis d'accord avec moi-même.

De plus l'admiration qu'éprouve le cinéma américain du nouvel hollywood pour Godard et consort, m'a toujours parut naïve, comme si le besoin de liberté sexuelle, le vent de l'époque lui faisait oublier sa propre identité culturelle. D'ailleurs les films américains les plus surestimés des années 70 sont ceux qui empruntent le plus à l'Europe, Bonnie et Clyde, la dernière séance, l'horripilante intégrale de Cassavetes....

Voilà donc pourquoi j'ai répondu à mon libraire barbu, un grand type assez jeune (que pour des raisons qui m'échappent en partie, je n'aime pas beaucoup )que je ne n'achetais que les chroniques américaines.

Ouvrage très plaisant à lire. Première surprise, la longueur des critiques, elles s'étalent souvent sur plusieurs longues pages, Pauline Kael raconte sans aucun scrupule pour le spectateur le film dans tous ses détails. Il était sans doute préférable de ne lire Pauline qu'après la séance si on voulait voir le monde avec ses propres yeux et éviter la kaellisation.

Elle ne se trompe pas beaucoup; à part quand même pour Bonnie and clyde, pour Altman sur lequel elle fait des caisses et pour Shampoo dont plus personne ne se souvient...

Elle saisit tout de suite l'importance et l'ampleur du Parrain, son classicisme d'oeuvre intemporelle. Elle reconnait en Scorcese un grand réalisateur dès Mean Street, relève son énergie, cette violence qui en dehors des codes habituels frappe sans prévenir. Elle est frappée par le rayonnement, l'intensité et le grâce de Niro. Mais comment faire autrement avec le De Niro de ce temps là?

Elle est très attentive à la place des femmes et fait remarquer assez justement que Mery Streep n'a pratiquement pas de texte dans Deer Hunter et que c'est un miracle de talent de délicatesse et beauté si sa performance est inoubliable.

Néanmoins, de mon point de vue, elle se trompe quand elle juge que dans ce film, il n'est pas possible de comprendre les sentiments qui circulent entre Streep, Walken et De Niro. Erreur totale, rien n'est plus humain. On voit très bien que Meryl préfère Walken à De Niro et que les deux sont amoureux d'elle. Rien d'étonnant donc à ce que Meryl Streep, alors que Walken est porté disparu, fasse l'amour avec De Niro à son retour de la guerre. Il l'aime et elle veut échapper à la tristesse. Elle pense qu'ils seront moins seuls s'ils mêlent leurs solitudes.

Pauline ne voit pas non plus que le réactionnaire du propos est tempéré admirablement par le fait que cette communauté de Pensylvanie, a des rites et une culture slave, et qu'être américain c'est cela, c'est être de ce pays et d'un autre. Je pense à la réplique simple et magnifique de Walken au médecin qui lui demande si son nom aux consonnances étrangères est russe :"Non c'est américain."

Pauline ne comprends pas du tout la réserve, l'apparente froideur de De Niro au lit avec Streep. Ce sont des garçons vierges, des hommes marqués par la guerre. Il leur faut du temps pour trouver leur marque avec l'amour. Pauline n'a pas fait le Vietnam et cela se sent. Moi non plus d'ailleurs, mais sans doute que je comprends mieux mes congénères masculin.

Peu importe d'ailleurs, ces points de détails, elle saisit parfaitement l'importance du film même si elle en condamne certains aspects peu compatibles avec les idéaux des années soixante.

Chroniques américaines est à lire pour continuer la méditation sur le cinéma et pour retrouver un peu de sa jeunesse restée, quelque part entre les années soixante-dix et quatre-vingt.