jeudi 11 novembre 2010

Michel Houellebecq a son Goncourt






















Polémiquons! C'est bon pour le blog ça coco!

Je préviens les lecteurs (enfin Le lecteur, maman quoi... Restons réaliste quant à la fréquentation de ce blog) que je vais aller très loin dans la dénonciation!

Je trouve que le livre de Michel Houellebecq :" La carte et le territoire" est très mauvais.( Voilà, c'est dit. Quel pavé dans la mare! Hein maman?)

Pourtant, je n'ai jamais partagé la haine virulente, nourrie à la fois par l'immensité de son tirage mais également par la franchise avec laquelle il revendiquait sa misère sexuelle et son rang de français moyen bien réac qui dévorait une grande partie de la critique. Il avait le radicalisme, l'humour et le désespoir de quelqu'un qui a connu le vraie vie: le travail surtout (qui parmi les écrivains a éprouvé les mornes affres du salariat?) et qui s'en était arraché. Michel Houellebecq parlait de la vraie vie! Évènement exceptionnel dans ce qu'on hésite encore à appeler la littérature française, plutôt préoccupée des tourments amoureux que l'on peut ressentir en déambulant dans le 6ème arrondissement, entre la salle de rédaction, le bureau de directeur de collection et les dîners en ville.

En tout cas la posture de Michel Houellebecq, son courage, son humour, son ton original, son authenticité lors de ses interventions dans les médias laissaient espérer qu'enfin la littérature en France trouvait une nouvelle incarnation.

Et puis livre après livre,(en fait dès le deuxième) j'ai été déçu. J'ai trouvé dans le dernier ce que j'avais déjà vu dans le précédent. J'avais compris le propos, j'attendais du nouveau. Mais Michel Houellebecq avait donné sa mesure, il était déjà au maximum. Il ne pouvait que se répéter or un écrivain qui n'avance pas, semblable en cela au vélo de Mao, tombe.

Je l'ai donc abandonné après Les particules élémentaires, ne me scandalisant pas pour autant des nombreuses polémiques qu'avec sa franchise décidément incorrecte, il avait pu soulever entre temps....

J'avais beaucoup apprécié cependant d'un strict point de vue littéraire , l'invective qu'il avait concocté (dans Plateforme je crois) pour désigner une femme entre deux âges, aux aspirations new -âge : "Pétasse cosmique". L'alliance des deux termes étant tout à fait surprenante et drôle.

Je m'apprêtais donc à ne pas lire son dernier opus, quand le choeur des critiques dans un ensemble touchant s'est élevé pour le célébrer, parlant d'un chef d'oeuvre d'humour (ils dégainent vite le mot chef d'oeuvre) et en tout cas du meilleur Houellebecq. Le livre apaisé d'un Houellebecq mature, réalisé. Un ouvrage débarrassé des scories du mauvais esprit, où l'on décrirait l'époque avec un désespoir lucide où certes l'on brocarderait mais où l'on n'insulterait pas. Michel Houellebecq dans ce roman, pousserait même la complaisance dans l'humilité retrouvée ou dans le repentir jusqu'à se faire assassiner (Ce sacrifice que beaucoup souhaitaient étant enfin accompli, même sur le seul plan symbolique, la place était libre pour l'amour).

Malgré le fait que j'aime le mauvais esprit, que je n'aime plus Michel Houellebecq, j'ai acheté "la carte et le territoire" car comme tout le monde, je suis influençable et comme tout bon croyant en la littérature, j'espère toujours la venue du messie. Je me suis dis que cette fois-ci, peut être, la promesse s'était faite oeuvre.

Las, j'ai éprouvé dès le début devant ce style plat, pauvre, dépéri, malade de l'intérieur (semblable à l'asthénie du dépressif et à son ralentissement cognitif) un ennui et un cafard profond. Clichés aidants, je croyais parfois lire du Gérard de Villiers ou autre brigade mondaine. Bien que je me sois bourré de Lexomil, je devais faire des effort pour arriver au bout de chaque page, l'effort étant bien entendu antinomique avec la lecture. Le personnage principal, figure grise et taciturne, dénué d'affect, androïde détaché, indifférent à la fulgurance de son succès accentuait ce côté déprimant car comme souvent pour les personnages de Houellebecq, il était à la fois peu vivant, plaqué et également très proche de son créateur dans sa manière de voir les choses.

Et puis voilà qu'en plus Michel Houellecbecq arrive en personne dans le livre. C'en est trop de narcissisme car si la tentative est faite pour le combattre, elle ne fait que le renforcer. A chaque moment donc on est collé à Michel Houellecbecq et même quand il se met pas en scène, il est présent. A chaque page, derrière chaque analyse, derrière chaque description, chaque pérégrination des personnages, chaque name-dropping, on voit le Michel Houellebecq, son fume cigarette, sa tête de cocker triste et ses efforts scolaires et vains pour parler à son époque et écrire Le livre. On reste pesamment au sol. On ne lit pas un roman, on souffre avec Houellecbecq dans sa tentative pour en écrire un.

Ce livre n'est pas traversé, unifié par un souffle qui ferait de lui un objet artistique, il est épars, sans existence propre.

Il y a quand même quelques envolées réussies, notamment sur l'optimisme qui présidait à la technologie dans les années soixante en particulier pour les voyages en avion... Cela n'a pas empêché, qu'arrivé au tiers du roman, je l'ai abandonné au pied de mon lit et qu'il y repose depuis.

Michel Houellecbecq a enfin eu le Goncourt, "enfin" parce que l'on le veuille ou non, c'est un écrivain qui compte, je dirai plutôt qu'il a failli compter. Le Goncourt en l'occurrence, est comme les terriens qui reçoivent la lumière de certaines étoiles alors qu'elles sont déjà mortes. Mais peu importe, le Goncourt. La littérature est ailleurs. Où ça ? Pas en France. Elle reviendra. Comme dit Cittati, elle fait jachère, elle se repose.

samedi 6 novembre 2010

The Social Network de David Fincher




















Vu le film et lu le livre (la revanche d'un solitaire) à la suite. Ce qui a suscité la seconde action est bien sûr la première car habituellement j'ai peu de goût pour "les success story", comme ils disent au journal télévisé. D'autant plus quand le protagoniste est un puceau blafard à la Bill Gates. Mais si le livre est bien écrit, ce film est ce que j'ai vu de mieux depuis très longtemps. Brillantissime! Dense, riche et exaltant dans sa forme. La bande son techno créée par Trent Reznor et Atticus Ross est superbe et rythme de manière hypnotique cette histoire soulignant sa modernité mais aussi sa matière émotionnelle.

Les dialogues filent comme l'éclair, figurant ainsi la vitesse de la pensée des personnages. Ils sont parfois abscons faisant allusion à des choses énigmatiques pour les petits français, comme les finals clubs, ces cercles d'étudiants très fermés qui ne recrutent que par coptation. De plus Mark Zuckerberg ou du moins son personnage ne répond pas toujours immédiatement à la question posée mais plusieurs répliques plus tard. On se demande donc assez souvent mais de quoi parlent-ils? Sans que cela d'ailleurs n'enlève aucun intérêt au film, bien au contraire. Aucun effort pédagogique n'étant fait pour nous rendre l'univers de Harvard plus lisible, il nous apparait ainsi sous un jour presque crypté pour rejoindre le vocabulaire informatique et surtout totalement exotique. Et paradoxalement, plus nous nous sommes dépaysés plus le film est confortable. Nous voyageons.

L'avenir va se révéler au sein de ce lieu pétri de traditions ou semblant tel. Car les régles de gentlemen n'engagent que ceux qui y croient. La vie est un combat sans pitié et des jumeaux WASP à qui tout est donné vont devoir le découvrir. Si Zuckerberg amasse une fortune colossale, eux perdent leur innocence de nantis.

Pas de manichéisme, aucun camp n'est plus sympathique ni antipathique que l'autre. A qui appartient une idée? A celui qui la concrétise, qui lui donne toute son ampleur, qui en perd le boire et le manger ? Ou à celui qui l'émet?

Et si elle n'appartenait à personne, si elle flottait dans l'air, et s'il suffisait d'être le premier à s'en saisir pour ensuite se laisser porter par le courant? Comment la seule volonté pourrait-elle présider une telle réussite?

Un autiste crée le plus grand réseau social virtuel du monde, l'ironie est belle. En tout cas comme une star du rock'n roll (ce film est rock n' roll), il devient célèbre parcequ'il veut séduire les filles. Mais il ne connait que des histoires sans lendemain. S'il a quelques amis, ils ne résistent pas au succès à l'argent," à la première division"... Et il se retrouve seul assis sur un tas de millards.

Alors le film de manière très humaine, reprends là où il a commencé, comment rompre sa solitude?


Pauline Kael,chroniques américaines


Bien que la vocation de ce blog ne soit certes pas didactique, quelques mots rapides sur Pauline Kael ou sur le peu que j'en sais. Grande critique américaine de cinéma, morte en 2001, elle a accompagné, voire encouragé, le nouvel Hollywood. Elle avait une telle influence que certains critiques qui se réclamaient de son obédience étaient appelés Kaellistes ou kaelliens, mais en tout pas pas Raelliens. Un choix de ses textes vient d'être publié en deux volumes: Chroniques américaines et Chroniques européennes.

Je n'ai pas acheté les chroniques européennes. Si j'aime assez le cinéma français, quand il est aimable , c'est plutôt le cinéma américain qui m'a construit. Celui qui correspond le mieux à mes attentes quant à l'équilibre qui naît du conflit entre spectacle et oeuvre. Le cinéma français m'a toujours un peu emmerdé avec ses prétentions artistiques, tout particulièrement la nouvelle vague. L'innocence est ailleurs.

Tout cela évidemment mériterait bien davantage de nuances, sauvons "bande à part", "la femme d'à côté " etc... Mais dans l'ensemble je suis d'accord avec moi-même.

De plus l'admiration qu'éprouve le cinéma américain du nouvel hollywood pour Godard et consort, m'a toujours parut naïve, comme si le besoin de liberté sexuelle, le vent de l'époque lui faisait oublier sa propre identité culturelle. D'ailleurs les films américains les plus surestimés des années 70 sont ceux qui empruntent le plus à l'Europe, Bonnie et Clyde, la dernière séance, l'horripilante intégrale de Cassavetes....

Voilà donc pourquoi j'ai répondu à mon libraire barbu, un grand type assez jeune (que pour des raisons qui m'échappent en partie, je n'aime pas beaucoup )que je ne n'achetais que les chroniques américaines.

Ouvrage très plaisant à lire. Première surprise, la longueur des critiques, elles s'étalent souvent sur plusieurs longues pages, Pauline Kael raconte sans aucun scrupule pour le spectateur le film dans tous ses détails. Il était sans doute préférable de ne lire Pauline qu'après la séance si on voulait voir le monde avec ses propres yeux et éviter la kaellisation.

Elle ne se trompe pas beaucoup; à part quand même pour Bonnie and clyde, pour Altman sur lequel elle fait des caisses et pour Shampoo dont plus personne ne se souvient...

Elle saisit tout de suite l'importance et l'ampleur du Parrain, son classicisme d'oeuvre intemporelle. Elle reconnait en Scorcese un grand réalisateur dès Mean Street, relève son énergie, cette violence qui en dehors des codes habituels frappe sans prévenir. Elle est frappée par le rayonnement, l'intensité et le grâce de Niro. Mais comment faire autrement avec le De Niro de ce temps là?

Elle est très attentive à la place des femmes et fait remarquer assez justement que Mery Streep n'a pratiquement pas de texte dans Deer Hunter et que c'est un miracle de talent de délicatesse et beauté si sa performance est inoubliable.

Néanmoins, de mon point de vue, elle se trompe quand elle juge que dans ce film, il n'est pas possible de comprendre les sentiments qui circulent entre Streep, Walken et De Niro. Erreur totale, rien n'est plus humain. On voit très bien que Meryl préfère Walken à De Niro et que les deux sont amoureux d'elle. Rien d'étonnant donc à ce que Meryl Streep, alors que Walken est porté disparu, fasse l'amour avec De Niro à son retour de la guerre. Il l'aime et elle veut échapper à la tristesse. Elle pense qu'ils seront moins seuls s'ils mêlent leurs solitudes.

Pauline ne voit pas non plus que le réactionnaire du propos est tempéré admirablement par le fait que cette communauté de Pensylvanie, a des rites et une culture slave, et qu'être américain c'est cela, c'est être de ce pays et d'un autre. Je pense à la réplique simple et magnifique de Walken au médecin qui lui demande si son nom aux consonnances étrangères est russe :"Non c'est américain."

Pauline ne comprends pas du tout la réserve, l'apparente froideur de De Niro au lit avec Streep. Ce sont des garçons vierges, des hommes marqués par la guerre. Il leur faut du temps pour trouver leur marque avec l'amour. Pauline n'a pas fait le Vietnam et cela se sent. Moi non plus d'ailleurs, mais sans doute que je comprends mieux mes congénères masculin.

Peu importe d'ailleurs, ces points de détails, elle saisit parfaitement l'importance du film même si elle en condamne certains aspects peu compatibles avec les idéaux des années soixante.

Chroniques américaines est à lire pour continuer la méditation sur le cinéma et pour retrouver un peu de sa jeunesse restée, quelque part entre les années soixante-dix et quatre-vingt.

samedi 30 octobre 2010

Avant la naissance, il s'en souvenait, il flottait quelque part dans un brouillard chaud et suave comme une barbe à papa. Il était... Oui il était. Il était comme liquide, sans tension aucune. Des voix douces lui parlaient. Enfin, elles ne lui parlaient pas exactement selon l'acceptation que l'on donne habituellement à ce terme mais elle l'entouraient en permanence et faisait parvenir des messages à sa conscience. Oui, à sa conscience.

Il n'était pas obligé de vivre. Il pouvait rester dans l'indéterminé. C'était ce qu'elles disaient. Les voix qui d'ailleurs n'étaient pas des voix mais des sortes de vibrations n'employaient pas précisément ces mots bien sûr, d'ailleurs elles n'utilisaient pas de mots, mais le sens était là. Il n'était pas obligé de naître.

Et lui, il s'en souvenait, naïvement, enivré sans doute par cette ambiance harmonieuse et tendre, il insistait. Il voulait y aller. Il connaissait les enjeux pourtant. Les voix les lui avaient expliqué. Il pouvait connaître une incarnation terrible, écoper d'un corps malade, difforme, incomplet, ou bien échouer dans un endroit où le mieux qu'il pourrait faire malgré des efforts surhumains serait de survivre. La souffrance là-bas était une certitude mais il pouvait y avoir des différences colossales de degré. C'était un risque énorme que de vivre. Mais s'il pouvait l'entendre, il ne le croyait pas véritablement ou du moins il pensait qu'il aurait un sort différent, il le sentait, il croyait en sa chance. Quelque chose d'exceptionnel l'attendait. C'était rigolo de jouer quand l'espace devant vous fourmillait de possibles. Pourquoi aurait-il un destin tordu alors tout autour de lui était si doux et que tout devant lui était à écrire? Il sentait l'avenir palpiter, lui faire signe.

Il pris sa décision dans la douceur et ne fut plus dans la douceur, il franchit ce qui le séparait de la vie en dévalant un espèce de toboggan. Il y eût de la lumière et de la peur au bout et puis curieusement l'oubli courut sur quelques années.

Deux, trois, sans doute....

Quel était donc son premier souvenir d'ici bas?

lundi 11 octobre 2010

Prière

pensée du matin
l'oeil est dans le pot
méditation sur l'Objet
rumination, prière, obsession
la pesée est sans cesse recommencée
Où es-tu? Qui es-tu?
cette distance, ce saut dans le noir
ne peut être comblé
antimatière
que la pensée sans cesse renifle, triture, inspecte
à la recherche de l'incandescence
ce qui n'a pas été donné
ne le sera jamais
Le vide crée la pensée
la pensée ne remplace pas la grâce
même si son essence est de le croire

mercredi 1 septembre 2010

en lisant en écrivant

Depuis que j'ai lu : en lisant en écrivant de Julien Gracq, j’attends que le sujet sourde de moi. Que l’essence qui précède mon existence se manifeste. Je ne sais pourquoi cette idée m’est agréable et combat efficacement l'angoisse, une lumière douce et chaude la nimbe. A chaque fois que je la convoque, je vis un instant de détente, une seconde pendant laquelle je me détache des contingences. Cette sensation conforte la réalité du désir d'écriture durant le court moment qu’elle dure. Oui, le sujet va finir par sortir tout armé de mon crâne comme Athéna de celui de Zeus. Il n'y manquera pas un bouton de bottine et pourtant il restera indistinct comme un ectoplasme. Le sujet est une vibration qui contient tout et que son absence de formes protège, maintient en vie. Ce tronc invisible, cette fragrance d'émotions, est à l'écriture, ce que la main est au gant. Elle lui donne corps. Je est un autre. Il va me parler. Incessamment. Sous peu. Peut être un jour ne serais-je plus réduit à moi-même?

Réflexions inspirées, insufflées par le beau livre de Julien Gracq. Un vrai fervent de la littérature, que l'on imagine occuper la tranquillité de sa retraite, à méditer en tenue de gentleman farmer sur les chemins détrempés de son terroir.

Voilà le livre d'un homme qui a le temps, d'un homme qui a l'estomac bien rempli et des lendemains assurés. Et pourtant si c'est un livre précieux et ciselé, il n'est pas bourgeois, ni ronronnant.

Car il est plein de l'obsession de la littérature. Julien Gracq la questionne comme il se doit, c'est à dire de manière exclusive, comme l'on questionne le mystère à certaines périodes d'ébullition religieuse. La passion quasi mystique pour la littérature est l'incandescence qui lie les éléments et les propulse vers l'infini et au delà comme dirait Buzz.

Lecture riche comme le pot au feu, mais point écoeurante même si l'on procède prudemment, petite bouchée après petite bouchée.

Écriture précise, pointue jusqu'à l'aigu mais également belle et poétique qui sort du vague le rapport à la littérature. On peut donc être tout à la fois analytique et lyrique, lucide et poétique, passionné et froid...

Dans ce livre, on se lave un peu des saletés de l'air du temps, des ego collés aux médias, des tics de pensée et de langage, des bassesses du monde et des siennes en rentrant dans un espace préservé. L'actualité, les bruits du monde fini ne polluent pas sa réflexion. On respire l'air pur des hauteurs.

Oui alors! La littérature, ce mystère, cet art si tard venu, peut occuper toute une vie. Et nous aussi l'on aimerait parfois rejoindre un cloître ou s'acheter un domaine pour dédier des loisirs de rentier ou une retraite de professeur à ruminer autour d'Elle. Ah! comme on cultiverait son âme au lieu de la perdre un peu plus chaque jour.

mercredi 30 juin 2010

La fille de Ryan



















Vu quelques images de la fille de Ryan de David Lean ce matin. Très érotique. Dans un pays bridé, corseté par la religon et le nationalisme, l'amour se jouant de toutes les barrières, de tous les interdits, embrase deux êtres qui étaient de train de passer à côté de leur jeunesse. une jeune irlandaise mal mariée et un soldat anglais, traumatisé dans sa chair et dans son esprit par les horreurs de la guerre de 14. Les amoureux ne se disent presque rien, c'est le corps qui parle. Le corps brimé, frustré de la jeune femme, le corps blessé du jeune homme. Leurs premiers baisers, échangés dans l'auberge du père, sont éperdus, effarés, le désir balayant toute logique, toute prudence... Ils veulent arrêter ces étreintes folles, se séparer, revenir à une attitude plus socialement acceptable mais irrésistiblement les corps reviennent l'un vers l'autre et ils se reprennent encore et encore, la main du jeune homme caresse les seins de la jeune femme. Mais voilà que le monde, les autres, reviennent. La jeune femme se campe derrière le bar et garde un air bouleversé, le jeune homme au visage meurtri par la guerre reprend son masque amer.


Le moment où ils deviennent amant est très beau. Ils se choisissent avec soin, toujours sans parler, un tapis de violettes (en tout cas, c'est des fleurs violettes) et dans un grand silence, troublé à peine par le bruissement du vent, à côté des cheveux paisibles qui vaquent à leurs occupations de chevaux (boire l'eau du ruisseau, manger des végétaux), pendant que le soleil devient de plus en plus éclatant, ils font et refont l'amour. On aperçoit un bout de sein, l'amour est mimé de façon explicite. Le film a été réalisé en 1970...

Dommage que certaines expressions soit un peu appuyées, notamment celles de la jeune femme, sans doute l'absence de texte, ce parti pris magnifique du silence, lui fait- elle croire que comme dans un film muet, il faut tout expliquer avec le visage. Du coup cette vision de l'amour perd-elle un peu de son innocence.

Alertant l'oeil, comme le symbole écarlate de sa virginité cette fois ci vraiment perdue, elle jouit, mais aussi du danger qui rôde, le chemisier rouge de la jeune femme flotte au milieu des arbres.

Ils sont comme au premier jour, innocents, comblés et apaisés dans une nature bienveillante mais on se doute bien qu'il ne tarderont pas à être chassés du jardin d'éden.

En effet, alors qu'ils rentrent chacun de leur côté en se promettant de se revoir, sous un pont une sorte de Gollum, innocent attaché au prêtre de la paroisse, surprend leurs adieux alors qu'il est en train de pêcher. Et l'on comprends dès lors que leur secret va faire vite long feu. La tragédie est inévitable...

Je me suis arrêté là pris par l'urgence de vaquer à mes affaires d'homme.

D'ailleurs le reste, long lynchage moyenâgeux et grimaçant pour ce que je m'en souviens m'avait paru beaucoup moins intéressant que ces quelques scènes décrites ici.

lundi 28 juin 2010

21 jours
sous le joug
suant
et crispé
la viande
infestée de toxines
puis l'échappée sur la mer verte
les cris des mouettes
la brise légère dans le cou
de l'espace partout
la santé retrouvée

lundi 7 juin 2010

Grouille!
Les trains hurlants qui déferlent en tout sens
fouettent les corps
L'oeil est gêné par de petits vers noirs
qui sont en suspension
comme dans l'eau verte d'un bocal,
Alors il tente de se porter au loin
d'attraper un peu d'abstraction
Elle là bas par exemple,
toute en jeunesse et cheveux blonds
Mais le corps tendu, jambes à l'équerre
elle fonce téléphone enfoncé dans l'oreille
sans offrir aucune prise
Grouille!
Frénesie des foules
qui par courants
vont droit devant
martèlement hystérique des talons
Grouille!

vendredi 4 juin 2010

Perce
au travers des brumes rasantes
des tapis d'arbres compacts
et des nuages de plomb
jusqu'à l'encre du cosmos
que tu disperses
Transperce
le coeur, les poumons
Le corps épars
de haut en bas
Détruit
Défiole
Eradique
cet esprit qui n'en peut
et vibre
au milieu des ruines moussues

dimanche 30 mai 2010

ALLISON

C'était le coeur de l'hiver. Il allait être sept heures trente du matin et il faisait encore nuit. Allison et Vera rentraient par le port. Elle se faisaient passer un joint qu'elles avaient piqué à un mec à la sortie de la boite. Vera lui avait retiré de la bouche d'une façon tellement naturelle que le mec, un blondinet frimeur, qui voulait avoir l'air cool n'avait rien osé dire. Le ciel était noir avec comme une lueur grise qui gagnait par le bas. Le gris va durer toute la journée pensa mélancoliquement Allison bien qu'elle ne fut pas mélancolique et n'ait aucune raison de l'être.

Après tout rien d'ennuyeux ne l'attendait demain. Pas d'école, pas de travail, pas de parents et même plus de petit ami. C'est seulement l'hiver se dit elle. Vera se moquait d'une fille un peu coincée que les garçons s'étaient amusés à faire boire et qui ensuite un peu décoincée avait dragué Steve, le plus beau de tous. Steve l'ange descendu du ciel pensa Allison. Comme si Steve allait se faire ce boudin! Disait Vera. Elle détailla avec complaisance les grosses fesses de la fille et ses seins qui lui descendaient sur le ventre. De toute façon, Steve n'aimait que les femmes belles, vieilles et riches. Aucune des petites nanas qui gravitaient dans la bande n'avait réussi à sortir avec lui et il y en avait des jolies. Alors ce boudin! Tout le monde avait bien rit en tout cas. la fille avait fini abandonnée sur un des canapés rouges de la boite, la tête reposant sur un tas de vêtements.

Je peux dormir chez toi? demanda Vera. Chez moi se dit Allison. Un vieux, un type qui était ami avec ses parents lui avait laissé les clefs de son trois pièces pour qu'elle arrose les plantes pendant qu'il partait faire un tour d'Afrique ou d'Amérique du sud, elle ne savait plus. Il y avait de cela deux mois. Elle avait résisté une dizaine de jours avant de finir par s'y installer. Télé, téléphone, super chaine, moquette épaisse, les lieux étaient cossus. Bien sûr comme elle perdait pas de temps avec le ménage, que tout le monde venait pour y dormir, fumer et ou baiser, l'appart avait fini par être dégueulasse. Les plantes, des trucs rares des tropiques, étaient jaunâtres et flétries. Elle préferait ne pas penser à ce qui allait se passer quand le type rentrerait.

Si tu veux.

Vera balança le joint, recracha un mélange de fumée et de condensation et lui pris la main. Un moment plus tard, elles étaient enfin au chaud. Nues l'une contre l'autre, elles s'embrassaient à pleine bouche. Allison qui tenait dans ses mains les fesses de Vera était surprise comme à chaque fois de leur rondeur et de leur fermeté. Sous ses pulls informes, ses jeans lâches on pouvait la croire toute maigre.

Depuis qu'un soir, elles avaient fumé de la super colombienne et que de fous rires, en chatouilles et bisous elles en étaient arrivées au sexe, elles faisaient l'amour régulièrement. Elles dormaient bien ensuite.

Le lendemain, comme elles passaient près de chez Franck. elle décidèrent d'aller le voir. C'était un petit brun malin aux yeux bleus, qui semblait un peu tordu dans sa manière de se tenir. Il était voûté, les jambes maigres et parlait toujours de biais comme si la police ou un prof le surveillait. Il vint leur ouvrir la télécommande à la main, il était en train de regarder une émission pour les enfants. Tiens c'est vrai, c'est jeudi se dit Allison. Les deux copines étaient particulièrement apprêtées. Paupières lourdement bleutées, lèvres rouges sang, minis au ras des fesses. Franck loucha sur leurs longues jambes moulées dans des collants verts et mauves.

Pour se donner une contenance sans doute, il commença à rouler sur la petite table du salon. il avait du mal avec les filles. C'est pas tant qu'il était laid mais il arrivait jamais à conclure. Lui qui dans la bande était connu comme un mec hyper marrant devenait lourdaud, dès qu'il était en tête en tête. Il était méconnaissable. La peur de l'amour détruisait son feeling, il sortait des vannes nazes qui tombaient comlètement à plat. Il ricanait bruyamment. Il était épais sans plus rien de son charme habituel. La nana qu'il tentait de brancher finissait généralement par lever les yeux au ciel en regardant ses copines. Et même si pendant les slows, il avait réussi à lui rouler quelques pelles, il se retrouvait seul.

Peter va passer en procès. Son père est furieux, il veut le mettre à l'armée.

Alice et tom sont plus ensemble.

Tom est avec sonia la grosse, ils sont fous l'un de l'autre.

Il débitait les dernières nouvelles, tout en faisant son petit mélange.

Ils se firent passer le joint impeccablemenr roulé de Franck. C'était du shit. L'odeur lourde envahit la pièce.

Tu mets de la musique demanda Allison.

Non y a mon père qui dort.

Son père conduisait les trains de nuit et donc le jour il dormait. Depuis que sa mère était morte, Franck vivait avec son père. Il n'en parlait jamais mais on savait que son vieux avait la main lourde. Quand il avait picolé, il s'énervait contre son fils. Franck avait des coquards parfois.

Allisson, malgré le shit qui commençait à la distraire en affinant ses sensations, était mal à l'aise. Elle sentait la présence du père endormi comme une menace.

On bouge?

Franck était encore en train de rouler. Ils fumèrent le joint et partirent par les rues.

La café était bondé et enfumé. On ne voyait rien du dehors car les vitres étaient embuées. les autres étaient autour d'une table. Steve jouait aux échecs avec un inconnu. Un grand type jaunâtre au grand nez. Allison le trouva tout de suite antipathique tant il avait l'air morose. A peine s'il leva la tête quand ils prirent place. Les derniers venus se devaient de faire des efforts s'ils voulaient être acceptés. Allison se dit qu'elle faire en sorte qu'il soit ejecté de la bande.

Ils achetèrent du speed à un barbu qui avait souvent de bons plans. Ils le firent passer avec la bière. la musique jouait à fond. Rock n' roll. Allison rêvait, elle était bien, elle se voyait sur une de ces bandes de goudron infinies, qui traversent les déserts américains. Elle qui détestait tous ces engins, était sur une moto. Les cheveux au vent, elle fonçait, enivrée par le vent chaud et la caresse du soleil sur sa peau. C'était la liberté. Elle pensait à ce moment là que c'était ça qu'elle voulait faire de sa vie et que c'était dailleurs la vie pour laquelle elle était faite. Une course sans arrière pensées et même sans pensées du tout. Juste aller droit devant. Ressentir. Et tant mieux, si elle mourait jeune. Rock n' roll.

Joints d'herbe et de shit roulés sous la table, fumés aux toilettes, amphés serrés dans le creux de la main, avalés avec la biere brune ou les alcools forts. Musique partout, tout le temps.

I saw her today at a reception
A glass of wine in her hand
I knew she would meet her connection
At her feet was her footloose man

Quand ils sortirent en bande bruyante, la nuit était tombée. Il faisait très froid, Allison n'en sentit rien mais le devina à la condensation qui sortait de sa bouche et aux joues écarlates de Vera.

Qu'est ce que j'ai mangé aujourd'hui?

Est ce que j'ai mangé aujourd'hui?

Elle ne parvenait pas à se souvenir. C'était bon que les journées défilent aussi vite. Ils étaient sur la grande place en face de l'hôtel de ville. Les éclairages au bout de réverbères diffusaient une lumière douce. Les passants autour d'eux , emmitouflés dans leurs vétéments épais, la tête basse, pressés de rentrer chez eux, étaient comme des ombres. Eux, ils étaient le centre du monde. Ils criaient, chantaient. Allison parlait, parlait à Franck. Elle lui expliquait des choses sur l'amour, il devait ne pas en avoir peur, faire confiance à sa nature profonde, la laisser vivre. Les choses ensuite se feraient d'elles même et ainsi de suite. Franck ne disait rien, il hochait la tête de temps en temps.

Tu es un fils du soleil. Dit-elle tout à coup. Et ce n'était pas ridicule.

L'expression avait surgit, elle ne savait d'où. Fils du soleil. La chaleur irradiait son cerveau. Elle voyait la mer transparente où dansait des étincelles d'or. Et puis des jeunes gens. Ils se baignaient nus, ils étaient dans la nature, de la nature, la nature. Ils fondaient dans le soleil. Allison délirait bien, malgré le vent froid qui frappait son visage.

On va chez toi Allison dit quelqu'un qu'elle ne connaissait pas.

Et tout le monde se retrouva dans l'appart. Musique à fond, danses échevelées dans le salon, les couloirs et aussi dans la cuisine ....Visages inconnus, corps enfoncés dans le frigo à la recherche de nourriture, corps effondrés sur les fauteuils, couples enlacés un peu partout, atelier permanent de roulage de joints, Franck à la manoeuvre.

Steve, si beau, avec sa mèche sur le front, sa boucle d'oreille de corsaire, sniffait sur la table basse du salon. A ses côtés, une vieille d'au moins 35 ans, la main sur sa la cuisse fumait calmement, les yeux dans le vide. Sa nana du moment sans doute.

Allison ouvrit la salle de bain et tomba sur un type torse nu et une fille aux cheveux rouges qui fixaient, assis à même le carrelage.

Elle était comme dans un film, les images lui venaient par à coups sans continuité, c'était drôle et beau. Elle dansa, embrassa plusieurs personnes, pris encore des drogues puis se retrouva au lit avec un type blond à la peau douce. Allison tout en lui mangeant la bouche se perdait dans ses yeux verts. Il parlait une langue d'un genre nordique. C'était sans doute un marin. Allison eut beau faire, elle ne lui trouva pas de tatouage.

Quand elle se réveilla, il était parti. Le jour était levé depuis longtemps. Allison le devina à l'intensité des bruits qui venaient du dehors. Klaxons, vrombissements, cris des livreurs. Elle regarda autour d'elle. L'appart était un champ de bataille. La bibliothèque imitation chêne était couchée sur le côté, des monceaux de classiques imitation cuir répandus par ses vitres brisés commes les intestins d'un ventre ouvert. La moquette à longs poils roses était devenue grise, noire même par endroit avec de grandes zones pelées. Le sol était jonché de débris divers, mégots de joints, seringues, assiettes, casseroles sales, bouteilles vides et puis ci et là des corps enroulés dans des sacs de couchage, voire dans un dessus de lit à franges.

Le proprio deviendrait fou en découvrant ce désastre et en plus comme il connaissait bien ses parents, elle ne pourrait pas jouer la fille de l'air. Un beau jour, assez vite d'ailleurs, elle allait devoir se prendre en main et ranger. Elle essaya d'évaluer la faisabilité d'une telle tâche en se projetant dans une opération de récurage. Elle s'imaginait en tablier, tenant entre des gants mappa, eau de javel et balai brosse quand son attention fut attirée par un drôle de frottement. Le type jaunâtre qu'elle avait trouvé si antipathique au café était assis sur le bord de son lit. Une clope au bec, il grattait une guitare électrique non branchée. Ses cheveux longs et blonds pendaient autour de son visage. Steve était accroupi à côté et le considérait avec beaucoup d'attention.

Qu'est ce qu'il peut lui trouver? Se dit-elle irritée. Elle bailla bruyamment.

Ils ne lui prêtèrent aucune attention. Ces deux étaient vraiment dans leur monde. Le jaunâtre ânonnait à voix basse des trucs en frappant les cordes et Steve battait la mesure avec sa tête. Allison insista, elle fit un petit coucou. Ils ne bronchèrent pas plus. Vexée, elle se leva et passa toute nue devant eux. Steve, enfin, émit un petit sifflement. Elle ne vit pas la réaction de l'autre.

Allison n'avait pas faim décidément. Sa bouche était sèche, tout rèche. Elle but d'une seule traite presque un litre d'eau, fuma une cigarette à la fenêtre de la cuisine en regardant dans le monde. Les gens, absorbés par leurs occupations sinistres, allaient et venaient d'une manière saccadée. Elle avala trois Xanax alla pour ranger la plaquette se ravisa en prit deux de plus, puis se recoucha et se rendormit aussitôt.

Quand elle se réveilla c'était la nuit, le type gratouillait toujours, elle lui tira la langue et se rendormit. Elle ouvrit à nouveau les yeux alors qu'il faisait un jour gris et poisseux. Les deux autres étaient encore à leur affaire.

Autour d'elle, c'était toujours le même désordre innommable mais au moins les dormeurs qui jonchaient l'appart avaient disparus.

On est quel jour? Demanda-t-elle. Un temps, deux temps. Pas de réponse. Allison s'énerva.

Mais vous faites quoi merde à la fin?! Hurla-t-elle.

Les deux se retournèrent, éberlués.

Qu'est-ce qui te prend? Fit Steve d'un ton glacial.

C'est comme si j'existais pas. Merde, je vous parle!

Vous êtes chez moi ajouta-t-elle réalisant aussitôt pour sa plus grande confusion non seulement la relativité de cette affirmation mais surtout son horrible aspect petit bourgeois.

Oh la, tu vas sans doute appeler les flics pour nous faire expulser de TA propriété? dit Steve sarcastique.

L'autre avait repris son gratouillement inaudible sur la guitare. Il chuchotait en même temps.

Non mais sans blague, qu'est ce que vous trafiquez?

Allison s'assit sur le lit et non sans malice, ni fierté, laissa voir ses jolis petits seins en poire. Steve sourit et comme à chaque fois ce fut un grand soleil. Allison fondit, quel charme il avait! Elle lui rendit son sourire, histoire de lui faire comprendre une fois de plus que c'était où et quand il voulait.

Le type arrêta sa gratouille leva la tête et parut un peu troublé quand il vit Allison à moitié nue.

Oh mais tu vois. Miracle! Se moqua Allison.

Le type haussa les épaules et reprit ses grattements.

On écrit des chansons. Dit Steve.

Des chansons? Je pensais plutôt que c'était un truc genre Moby Dick tellement vous y passez de temps.

Je vois pas le rapport dit Steve après un blanc.

Il doit croire que c'est un truc porno pensa Allison qui connaissant son absence totale de culture estima que Steve avait du être induit en erreur par le dick du titre.

Vous travaillez depuis combien de temps?

Des jours et des jours. On a pris un paquet d'amphés pour tenir. On prépare un concert.

Un concert! Fit toute excitée Allison.

C'est génial! Elle adorait les artistes.

Tu vas chanter Steve? Évidemment, il avait tout pour devenir une rock star.

Non je suis une vraie casserole. Je me contente d'écrire.

Écrire?! Comment peut-on écrire quand on ne lit rien, que l'on a aucune syntaxe et que l'on fait quatre fautes par mots? Se demanda Allison.

C'est Ethan le chanteur dit-il en désignant son voisin. Il est génial, tu vas voir.

Ainsi le bilieux, s'appelait comme le sombre cavalier des Searchers. Il n'y avait aucun point commun entre les deux mais du coup, cela le lui rendit un peu moins antipathique. Elle douta quand même qu'il fut génial. Elle lui trouvait aussi peu de charisme qu'au comptable chauve de son père.

Vous avez un groupe?

Oui, Struggle.

Un peu violent non?

On fait du rock, pas les trucs progressifs de pédés.

Et qui il y a dans votre groupe?

Des mecs que tu connais pas, ils sont quatre. Ethan est chanteur et guitariste, il y a un autre guitariste, un bassiste et un batteur. Point final. Pas de ces saloperies de synthé. Retour aux sources, Baby. La Simplicité, la vérité. Sexe et énergie.

Un bon programme. apprécia Allison.

Vous avez un producteur? Un manager?

Oui c'est ma copine qui finance l'achat du matériel et la location de la scène.

La vieille qui était là l'autre soir?

Elle est pas vieille, elle a quarante ans.

Ah oui, c'est super jeune fit moqueuse Allison.

C'st une femme d'affaire. Elle est dans la mode. elle gère plusieurs boutiques de fringues et elle a l'oeil. Elle croit en nous. Elle adore mes textes.

Évidemment et son mari?

Il est mort.

Vous allez jouer où?

Au New Clementine.

C'est un bar?

Oui mais y a une petite scène.

Y a toujours des bagarres.

C'est le rockn'roll baby. On a écrit dix chansons. On les répète avec le groupe et dans quinze jours on joue.

Vous serez prêts?

Pas du tout, mais avec le talent d'Ethan et l'énergie du désespoir, ça sera top. C'est le rock, Baby.

Arrête avec tes baby, ça fait nul. Vous me jouez un truc?

Non, t'as qu'à attendre le concert. trancha Steve. Il reste de l'herbe?

Ethan sortit de la poche de sa veste un paquet enveloppé dans du papier journal.

C'était de l'herbe bien fraîche et bien odorante. Ils se firent trois gros joints, les fumèrent et partirent comme des fusées. Ils délirèrent et se marrèrent pendant quelques heures. Ethan contre toute attente avait un humour à froid assez réjouissant.

Allison décida que sa réserve naturelle recouvrait une réelle densité. Quand l'effet se fit moindre, ils eurent faim, ils refumèrent deux joints et sortirent par les rues. Ils cherchèrent un indien.

Allison tout en s'émerveillant des couleurs et du spectacle du dehors qui par la grâce de l'herbe avait un aspect tout neuf, se dit que c'était la première fois que quelqu'un de la bande avait un projet artistique.

Elle en était contente et même fière. Peut être que leur bande qui s'était composée par la grâce du hasard, du vent de l'époque et des drogues allait-elle accoucher d'oeuvres qui changeraient la façon de vivre des gens en affirmant la leur, tellement plus amusante? Voire spirituelle. Elle se doutait bien après tout qu'il y avait quelque chose d'un peu philosophique derrière leur existence en apparence si irréfléchie. Peut-être étaient-ils les seuls qui s'occupaient réellement de leur âme dans cette ville étriquée?

Allison pensa à Kérouac et aux surréalistes français. Elle sourit. Elle lisait trop et l'herbe était super bonne. Elle vit en jetant dans coup d'oeil dans une vitrine que Ethan matait son cul.

La télé se gondolait comme si elle aussi était une image mal retransmise. Elle se rétrécissait, devenait mince comme un tuyau puis ensuite elle s'élargissait jusqu'à tapisser tout le mur du salon. Elle n'était plus tout à fait en noir et blanc, des zones de couleur s'étendaient comme des cancers.

Allison se à força à détourner les yeux de ce spectacle.

Alors comment ça s'est passé les partiels? Son père posait la question qui lui brûlait les lèvres depuis qu'elle était arrivée.

Allsion avait fait un effort dans la sagesse vestimentaire. Un chignon, pas de maquillage outrancier, pas de mini-jupe, juste un pantalon bleu et un chemisier blanc. Vera en la découvrant ainsi lui avait lancé qu'elle ressemblait à une hôtesse de l'air.

Ils étaient à table. Malgré ses protestations, son père lui avait servi un deuxième grand verre de bière. Allison était sa préférée. L'intellectuelle de la famille.

Son petit frère, était assis en face d'elle. Les cheveux gominés, le cou serré par le noeud papillon des grandes occasions, sage, immobile, il ne la quittait pas des yeux. Sa mère s'affairait derrière eux surveillant la cuisson du ragout de mouton.

Alors les partiels?

Tout à coup, un air de flûte doux comme un ventre de femme, traversa la pièce.

Pas mal je crois. Répondit Allison impavide. J'ai eu un peu peur en droit consitutionnnel mais finalement je me suis bien débrouillé. Je crois.

Ah!

Son père eut un grand sourire et échangea un regard de contentement avec sa femme.

Si t'as bien révisé, y a pas de raison. T'as tout pour réussir.

Son père la rêvait avocat d'affaire. Issu d'un milieu très pauvre, il n'avait pu aller bien loin à l'école. Il avait réussi malgré cela à monter une affaire de plomberie qui marchait bien. Il dirigeait une dizaine de personnes. Il gardait cependant une frustration inguérissable de n'avoir pu étudier et tentait de s'en libérer par sa fille.

Un trésor, sa Allison. Elle était si jolie, avec ses longs cheveux bruns et ses yeux bleus. Et si intelligente, toujours première à l'école, toujours un livre entre les mains.

Comment va Robert? Demanda -t-il.

Il avait bien aimé Robert. Un jeune homme poli, soigné et ambitieux. Son père dirigeait l'agence principale de la Brinks. Il aurait vu le mariage d'un très bon oeil.

Allison pour la première fois depuis longtemps repensa à Robert.

Elle revoyait son beau visage régulier, ses lèvres pleines. Il faisait illusion. Elle l'avait dragué pendant une boum. Ils s'étaient embrassé. Expérience salivaire plutôt pénible, elle avait senti immmédiatemment qu'il n'avait aucune expérience et peut être même aucun feeling. Ils n'avaient pas fait l'amour. Ils s'étaient revus pour aller au cinéma. Roger avait touché ses seins au travers du soutien gorge pendant qu'elle regardait un flic réac et trop âgé cogner sur des noirs.

Elle l'avait emmené une fois à la maison avant d'être lassé au delà de toute mesure par ce grand garçon timide et maladroit qui n'envisageait pas autre chose pour l'avenir que de réussir sa vie professionnelle et qui n'avait pas ingéré d'autre drogue que celle qu'involontairement, il inhalait quand il faisait ses maquettes d'avion de la dernière guerre.

Les parents....

Elle regarda son père, il était trop penché sur son assiette, il faisait du bruit quand il mangeait. Il avait les yeux exorbités. Absorbé, englouti, par le plaisir de la déglutition, il en oubliait le reste du monde, les autres, les siens... Il ressemblait à un homme des cavernes. A une bête...

Vite, elle détourna les yeux. Rester sur une pente cool. Elle pensa que maintenant, elle était libre, qu'elle n'avait plus d'obligation, qu'elle vivait à son gré. Qu'elle était une vraie cheyenne. Un être humain.

Allison n'avait jamais mis les pieds en fac de droit.

Jusqu'en première, elle avait eu une très bonne scolarité. Puis plus rien. Elle avait tout arrêté. Ses parents la croyait en première année de droit, titulaire du bac, il n'en était rien.

Ils lui donnaient de l'argent, alors elle leur racontait ce qu'ils voulaient entendre pour qu'ils continuent.

Musique, cythare, herbe verte, collines ondoyantes à l'infini. Le vent léger caressait sa peau nue.

Sa mère inquiète contre elle. Allison sentait son odeur. Vieux lait, savon. Elle l'embrassa, elle l'aimait tellement. Elle était si malheureuse. Elle vivait au temps où la vie des femmes n'était pas une vie.

Allison était près de la porte, son père criait, mais ses paroles étaient couvertes par le vent. Elle regardait les mots s'échapper de sa bouche, comme des mouches noires, sans deviner un instant ce qu'il pouvait dire.

Elle se retourna et elle vit son frère immobile, méditatif. Ses grand yeux sombres et son noeud papillon. Et puis elle vit derrière lui, tous ces poètes héroïques qui avaient posé inconnus et que depuis la postérité contemplait, dissèquait sans fin, Rimbaud, Kafka, Kérouac...

Elle était dans la rue, les bruits, le soleil, les gens, elle riait à n'en plus pouvoir. Ouah! L'acid quel pied!

Le bar à moitié plongé dans la pénombre, était peu peuplé. Quelques chevelus écroulés sur les banquettes, deux types en blouson noir, assez vieux, dans la trentaine accoudés au bar.

Glauque se dit Allison avec un petit pincement de joie. Elle pressentait le désastre.

Elle commanda une bière brune pour coller à l'ambiance. Elle souffla sur la mousse pensivement pendant quelques secondes puis but une longue gorgée.

Sur l'estrade poussiéreuse qui servait de scène, trônaient une batterie, un micro et quelques vieux amplis. Tout à coup, Steve apparut, il semblait très nerveux. Il se pencha et demanda quelque chose au patron, un gros couvert de tatouages, de cheveux et de barbe qui passait les bras chargés de pintes de bières. Le boss lui aboya une réponse sans même s'arrêter. Steve repartit prestement dans les coulisses. Allison se dit qu'il en rajoutait dans l'affairement pour se donner l'air important.

La bière d'Allison était finie, elle en commanda une autre, le shit lui avait vraiment donné soif. A moins que cela ne soit les amphés.

Quelques personnes arrivèrent, elle en reconnu certains. Elle remarqua deux couples plus clinquants, plus apprêtés que les autres. Des hippies de luxe

Allison leur jeta un regard de mépris, des bourges qui venaient jouer à la bohème.

Décidément cette bière était bonne, elle en prit une autre, qu'elle vida d'un trait.

Les musiciens modestement, sans faire plus de manière que s'ils venaient balayer arrivèrent sur scène. Chacun se plaça derrière son instrument.

Ils se la joue antistar se dit Allison. Rien de plus prétentieux que cette attitude.

Puis elle aperçut la choriste. Elle la haïssait. Allison, par la grâce de ses jolis traits si fins, de son petit nez à l'arête délicate, de ses lèvres pleines et de ses yeux verts avaient été un temps pressenti comme choriste.

Allison s'était vue en égérie, icône d'une époque.

Toute la bande s'était acharnée à faire tenir ce projet deux jours de répétition durant. Mais Allison avait eu beau faire, Ethan mutliplier les conseils, les têtes à têtes pour lui faire tenir une note, elle chantait faux. C'était irrémédiable. En plus Ethan toujours maussade, employait avec elle un ton aigre fort désagréable. Elle se sentait rabaissée. Elle avait abandonné sous pretexte d'un désaccord artistique. Elle n'aimait pas leur musique qui était beaucoup trop primaire. Steve avait semblant de vouloir la retenir.

Ils avaient pris à sa place, une espèce de naine à gros cul. Steve avait beau dire qu'elle avait un beau cul, Allison savait bien que ces petits modèles finissent avec la trentaine et la première grossesse par faire des culs énormes.

Mais elle chantait juste, même Allison ne pouvait pas dire le contraire.

Allsion n'avait pas assisté davantage aux répétitions. Mais elle était sûre, le groupe était nul et archi nul. Un concert et puis plus rien, on passerait à autre chose.

Les premières notes commencèrent à sonner.La musique déferla. Elle emporta tout y compris Allison qui sentit son corps traversé par une émotion fulgurante. Ils sont bons se dit-elle

Ouahh super! fit une voix à coté d'elle. Vera. Elle lui agrippa le bras et se blottit contre elle. Ces câlineries agaçaient un peu Allison mais elle était quand même contente de la voir. Elle n'était plus tout seule au monde.

Ethan chanta. Sa voix au début était plutôt haute et dégageait une pureté inattendue. Et puis elle changeait, s'éraillait, devenait mordante, violente. Ethan hurlait le monde urbain, la difficulté de la vie, le chômage, les émeutes... On était loin du psychédélisme. La batterie tapait frénétiquement, semblant ébranler tous les corps... Un rythme fondamental qui poussait vers une espèce de lumière.

Les gens était debout, Allison elle même s'en sans rendre compte s'était éloignée du comptoir et dansait. Véra était à ses côtés. De temps en temps, elle était gênée dans sa transe par Véra qui tentait de lui prendre les hanches. Elle devenait collante celle-là...

Les yeux bleus d'Ethan ressortait d'une manière étonnante sur scène. Lui qui était sec et jaunâtre dans la vie devenait beau, plein de mystère. Les cinq chansons de leur répertoire passèrent comme un rêve. Le concert fut un succès total. Il furent acclamés, durent bisser plusieurs de leurs morceaux.

Allison s'inclina et curieusement même si sa jalousie restait vivace, elle était apaisée parce que quelque chose qui tenait de la beauté avait eu lieu et ce moment qui était à tous et à personne transcendait toutes les blessures d'ego.

Le public, maigre mais enthousiaste entoura Ethan. Allison regardait de loin. Elle prit une autre bière. Elle avait le sentiment peut-être un peu vain d'avoir saisi mieux que personne l'essence de cette musique. Elle n'avait donc pas besoin d'en faire étalage en se collant à lui. Elle savait que Ethan avec ce feeling qu'elle lui avait découvert ne pouvait que le sentir.

Plus tard, elle était assise à côté d'Ethan qui semblait fatigué mais heureux. Il souriait comme s'il était dans un super trip d'acid. Il écoutait les gens en hochant la tête mais il ne semblait pas vraiment comprendre ce que l'on lui disait.

Allison ne parlait pas, elle avait cependant toujours la sensation qu'une communication invisible se faisait entre eux. Mais voilà que Véra revenait contre elle, elle lui soufflait dans le cou maintenant.

Putain! Mais t'arrête oui!

La phrase avait claqué à l'insu même d'Allison. Il y eu un grand silence. Vera toute pâle se leva et sortit du café...

mardi 25 mai 2010

Chaude caresse du soleil matinal
au travers des vitres du train
L'été au coeur du mois de mai
Lundi
Je m'en vas au boulot
Too bad
La chimie qui se dissous dans mon sang
Le soleil franc et violent
font danser une petite étincelle
dans la nuit du lundi
Je m'en vas au boulot
Rien à faire contre ça
Mais la chimie diffuse une petite allègresse
Et dans la rue
j'ai le pas lent je savoure l'été brutal qui revient