lundi 13 avril 2009

Proust

La beauté agit souvent comme un baume contre les écorchures du quotidien.

A Saintlaz, pendant la presse des matins, alors que les escaliers roulants déversent des tombereaux de salariés, que les talons des femmes claquent contre le sol, que les tourniquets font inlassablement entendre leur note aiguë, que des flux aveugles de voyageurs se croisent et se heurtent, que le regard embrasse sur trois, quatre étages les foules qui dévalent et escaladent les édifices de verre et de fer, que l'on est pas loin de croire que des corps surnuméraires pourraient être jetés au dehors des rampes par la pression sans que le courant ne se ralentisse;

L'on pense à Dante ( où plutôt à Gustave Doré car l'on s'est contenté d'admirer les illustrations) et aux longues théories de damnés qui nus et gris vont aux tourments, à Métropolis, à 1984;

On souffrotte un peu.

Alors vient le petit Marcel, que serré sur un strapontin, écrasé sur la droite par une grosse femme noire, l'horizon immédiat bouché par des jambes en flanelle grise ou une mallette, on s'acharne à ouvrir. Et c'est la paix des sommets...

Marcel et sa petite voix douce qui sinueux, lent, implacable, déroule et dévoile les trésors de la subjectivité, comment nous enrobons le monde de notre matière, les circonvolutions du coeur, Swann réveillé à la transcendance par la petite phrase de Vinteuil va finir de tomber amoureux d'une femme qui n'est pas son genre un soir que son absence imprévue lui fait ressentir une douleur horrible, les mobiles des gens, le snobisme en particulier,cette vanité si essentielle, la cruauté et l'absurdité des comportements, Mme Verdurin qui s'immobilise comme une statue quand elle entend prononcer le nom d'un salon concurrent, qui laisse chasser le pauvre Saniette, qui défait les couples au service de son cercle...

Du miel pour maintenant, du gras sur les brûlures et du pollen que l'on travaillera ...

Et qui comme les deux clochers de Meséglise dans le couchant dit quelque chose de plus que sa seule forme...

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