samedi 27 octobre 2007

Bunker tapait le premier





Il s'appelait Edward Bunker et il ne jouait pas dans Prison Break. Il est mort en 2005 à l'âge de 71 ans.





















Dieu quelle vie pour un aussi petit bonhomme! De ses onze ans jusqu'à l'âge de quarante, il passera la plus grande partie du temps en maison de redressement et en prison...

Il connaîtra les lieux les plus durs: Saint-Quentin, Marion....Il n'en sortira que pour replonger, tant les opportunités de réhabilitation sont limités, tant les conditions faites aux anciens détenus sont drastiques.

Il tombe pour extorsion de fonds, (contre des trafiquants de drogue, maquereaux), cambriolage...

Sa dernière arrestation est plutôt rocambolesque. Suivi par la brigade des stups qui le croit sur le point de procéder à un deal, il braque une banque sous leurs yeux ébahis. Il repart en prison non sans être d'abord passé sérieusement à tabac.

Ses stations répétées derrière les barreaux auront au moins l'avantage de lui faire découvrir la lecture. Il engloutit des bibiliothéques.

Puis, il se met à écrire... La perséverance étant une de ses qualités (c'est d'ailleurs La qualité cardinale, celle qui fait la différence ), il écrit cinq romans avant enfin d'en voir un publié: Aucune Bête si féroce (son master-piece).

Quand il sortira de prison (à quarante-deux ans!), sa réhabilitation sera facilité par l'adaptation au cinéma de son roman qui donnera Le récidiviste avec Dustin Hoffmann.

Bon film paraît-il, ( je l'ai vu, il y a trop longtemps pour m'en souvenir précisement), il ne connaîtra pourtant qu'un succés mitigé.

Il écrira ensuite le scénario de runaway train de Konchalovski, très mauvais film...

Rappelons pour l'anecdote qu'il fut le Mister blue de Tarentino dans reservoir dogs. Mais surtout, il écrira d'autres livres: La bête au ventre, La bête entre les murs, Les hommes de proie, Mister blue (son autobiographie).

C'est du bon polar, énergique et violent, sans poésie chichiteuse, Bunker comme Giovanni a payé pour voir et il a bien vu... Il a comme matériel le gâchis de la première moitié de sa vie (Mais dans le fond, n'est ce pas le propre de tous les écrivains ?).

Quand on ouvre un bouquin d'Edward bunker on le lâche plus. Ses intrigues tendues, filent un train d'enfer. Des hommes déterminés aux relations codifiées par la loi exotique et radicale du milieu jouent leur survie. L'amitié pour certains, l'appât du gain pour tous, les lient entre eux.

Bunker prends le parti de ses héros. Le crime est une option qui en vaut une autre et ceux qui la choisissent ont droit à son respect.

Ainsi l'on voit le personnage qui tue un flic s'en tirer malgré tout et gagner sa liberté à la fin. Dans tout autre ouvrage cela serait impossible...

Un monde à la Darwin où l'arme absolue est le tic tac permanent de la pensée, ses héros sont souvent des doubles de lui-même, très intelligents, sans cesse sur le fil du rasoir, ils doivent faire preuve d'une ingéniosité extraordinaire pour arriver à survivre.

Curieusement, son plus mauvais livre est son autobiographie, touffue, bavarde, interminable, elle tombe des mains.

Comme si pour rendre l'essence de son existence, il lui fallait passer par la fiction. Le dessin de la métaphore est toujours supérieur à l'explication du long discours...

J'ai pu le croiser quelques minutes alors qu'il donnait une conférence à la FNAC. C'était un petit vieux frêle et sympathique. Quand on lui demandait comment, il avait pu survivre à des univers aussi terribles, il répondait qu'il tapait le premier.

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