dimanche 14 octobre 2007

Nouvelle


"A REBOURS


A rebours de ce qui se passait sous d'autres latitudes, juin commençait la saison froide, les matinées étaient alors d'une fraîcheur inhabituelle. Il y avait même du brouillard, pour un peu j'aurai pu rejeter de la condensation par ma bouche, un de ces petits plaisirs des pays à hiver que je n'avais plus guère l'occasion de pratiquer.

A rebours donc ce qui se passait sous d'autres latitudes, le froid, ou plutôt la fraîcheur, était associé à la fin de l'année scolaire et aux vacances qui approchaient. A la délivrance quoi... C'était la raison pour laquelle, je sentais toujours avec beaucoup de plaisir la température descendre. Cette variation du climat si rare ici, me rappelait la France, bonne vieille terre à quatre saisons et me signalait que le grand jour était imminent. Dans mon coeur vibrait une excitation délicieuse qui durerait jusqu'au départ.

Je croyais naïvement, je ne sais trop pour quelle raison, qu'en France, toujours je trouverais la force et la liberté qui me manquaient ici. Et parfois d'ailleurs, c'était le cas. Mais dans l'analyse des causes, je me trompais, j'imputais cette légèreté à la magie du lieu alors qu'elle ne m'étais prêtée que parce que j'y étais de passage.

Cette année, je partais pour de bon. Il faisait froid et j'étais heureux. Je ne ressentais pas même une vague inquiétude.

Marine et moi, étions arrivés très tôt au lycée ce matin-là. Marine était la peite amie d'un type avec qui j'étais devenu quasi inséparable dans les trois derniers mois de l'année.

Le lycée français était encore désert, assis sur les bancs en ciment, nous fumions des cigarettes achetées au détail en attendant que les autres arrivent. Il y avait du brouillard, nous aspirions en même temps que la fumée de grandes bouffées d'air humide.

J'ai gardé, je ne sais comment, une photo en noir et blanc de ce moment là. On voit Marine debout, à côté de moi, en jean et gilet en laine sans manche, tirer sur sa cigarette. Je suis assis et suis en train, semble-t-il ,d'examiner mes ongles avec beaucoup d'attention. J'ai oublié qui a pris la photo...

Je n'ai jamais plus revu Marine après cette journée. c'était une jeune métisse très jolie, très douce, un peu fragile aussi. Elle avait eu quelques malheurs dans le temps, un avortement notamment. Elle était amoureuse de mon copain, un drôle de type qui ne voulait pas lui faire l'amour.

Nous avions pris l'habitude avec le temps, elle et moi, d'aller par dessus notre timidité et de nous faire quelques confidences. On riait aussi et d'ailleurs par jeu, durant quelques jours, on avait adopté le délicieux protocole de se saluer en se faisant la bise sur la bouche. Malheureusement mon copain que son inactivité sexuelle n'empêchait pas de considérer qu'il avait des droits s'en était indigné et nous avions arrêté. Cette fille était largement au dessus de la classe, de celles que j'arrivais habituellement à séduire. Jamais, par un chemin plus classique, je n'aurais pu avoir la chance d'approcher mes lèvres des siennes. Je ne suis d'ailleurs pas allé plus loin que cela. Sans doute n'en étais-je pas amoureux puisqu'il faut que j'écrive ces lignes pour repenser autant à elle..."

Aucun commentaire: